
[Vitrine du Cameroun] – Le 14 août 2024, les habitants du village d’Apouh dans la Sanaga-Maritime sont sortis en masse pour dénoncer l’occupation « illégale » de leurs terres par la Société Camerounaise de Palmeraies (Socapalm) qui a d’ailleurs engagé un vaste programme de replanting des palmiers à huile autour de leurs habitations. Dans une interview exclusive accordée à Vitrine du Cameroun, Mercure Lindoume Dipote, Chef traditionnel de 3e degré de ce village revient en détails sur le conflit, et invite la Socapalm à respecter les droits fonciers des habitants.
Sa Majesté Mercure Lindoume Dipote, pouvez-vous nous situer dans le contexte des évènements de ce jour dans votre communauté ?
L’année dernière, il y a eu également le même problème. J’ai même été gardé à vue à la prison centrale. A la suite de ces évènements, il y a eu une réunion qui a regroupé toutes les parties prenantes, présidée à la préfecture d’Edéa. Et il a été convenu de manière générale qu’on revienne à la table des négociations. Et quelque mois plus tard, le Mindcaf a dressé une correspondance à monsieur le Préfet de la Sanaga Maritime et au Directeur général de la Socapalm sur des points particuliers. Notamment sur les titres fonciers sur lesquelles ils s’appuient, et concernant la demande de concession, avec des instructions bien précises. C’est monsieur le préfet de la Sanaga Maritime qui a présidé cette réunion relative à la correspondance du Mindcaf. Et le préfet a bien donné les orientations en disant que ces instructions soient implémentées en prenant en considération, les sollicitations des populations. Voilà donc un membre du gouvernement qui donne les instructions, le préfet, le représentant du gouvernement sur le plan local confirme ces instructions et donne les directives particulières, mais pourquoi jusqu’à maintenant, rien n’est fait ?
Depuis combien de temps durent les pourparlers ?
Nous entrés dans les négociations depuis pratiquement 8 longs mois. Qui sont pratiquement terminées. Tout est sur la table du directeur général. Au moment où on attend la l’aboutissement, eux ils engagement des travaux sur les parcelles litigieuses. C’est une fuite en avant. Au regard de tout ça, je suis tenté de croire que la Socapalm en réalité n’a pas la volonté de négocier.
Pourquoi la population s’oppose-t-elle à Socapalm si cette dernière détient les titres fonciers ?
Ils ont des titres fonciers, qui sont d’ailleurs contestés. Ils disent avoir un titre foncier qui est à Dehanè or moi je suis à Apouh. Aussi, ces titres fonciers disent qu’ils ont été établis en 1960. A cette date, il n’y avait pas le village Dehanè. Il n’y avait aucun village qui s’appelait Dehanè ici. C’est plus tard, en 1972 qu’on créé artificiellement, un village au sein de la plantation. Donc, ces titres fonciers sont contestés. En plus les services techniques du Mindcaf ont fait un état des lieux qui a montré que la Socapalm a dépassé largement leurs prétendus titres fonciers de près de 2000 hectares.
Non compris l’occupation illégale, qu’ils demandent la concession maintenant, après avoir exploité pendant au moins 20 années, sans verser des revenus à l’Etat, sans verser les quotes-parts qui reviennent aux populations. Ils sont venus, ils se sont installés de force, ont chassé les populations, se sont mis à exploiter pendant 20 ans. C’est maintenant qu’ils se rendent compte qu’ils sont dans l’illégalité, qu’ils introduisent une demande de concession. Or vous savez, il y a une procédure pour occuper un espace du domaine national.
De manière concrète. Qu’attendez-vous de la Socapalm ?
Il n’a jamais été question de demandé à la Socapalm de partir. Les populations demandent une juste occupation de l’espace. Nous manquons en réalité de l’espace vital. Partout derrière nous, il n’y a pas d’espace pour faire des cultures, pour des habitations…
Vous savez, les déplacés internes du Nord-ouest et du Sud-ouest sont remplis ici. Il y a les employés de la société qui sont là, et qui ont besoin des espaces pour faire des maisons. Mais où est-ce qu’ils vont le faire ? On a donc besoin d’un espace vital pour nous-mêmes, et pour notre descendance. C’est de ça qu’il s’agit. Il y a 2000 hectares qui sont illégalement occupés. Nous voulons qu’on nous les rétrocède à titre d’espace vital.
