
[Vitrine du Cameroun] Le chercheur camerounais Omang Ombolo Messono, enseignant au Département d’Économie de l’Université de Douala, signe une publication remarquée dans la revue Technological Forecasting and Social Change (Elsevier). Intitulée « The Intersection of Public Services Digitalization and Women’s Empowerment in Tax Revenue Mobilization », cette étude éclaire un enjeu central : comment maximiser les recettes fiscales dans le cadre des Objectifs de Développement Durable (ODD), à travers une lecture croisée des transformations numériques et de l’inclusion de genre.
Une double interrogation : numérique et autonomisation
En exploitant des données couvrant 152 pays entre 2003 et 2020, l’étude examine l’impact de la digitalisation des services publics sur la mobilisation fiscale, tout en analysant le rôle modérateur que peut jouer l’autonomisation des femmes. Pour le chercheur, la transformation numérique ne peut produire des résultats durables sans inclusion sociale. Il s’agit de démontrer que la réduction des inégalités entre les sexes peut renforcer, nuancer ou infléchir les effets de la digitalisation sur la fiscalité.
L’article se distingue par la qualité de son outillage économétrique. Effets fixes, moments généralisés (GMM), méthode des variables instrumentales de Lewbel (2012) et analyse de médiation ont été mobilisés pour assurer la solidité des résultats. Cette rigueur méthodologique permet de corriger les biais d’endogénéité et d’examiner finement les liens de causalité.
Les conclusions principales indiquent que la digitalisation améliore significativement la mobilisation fiscale en simplifiant les procédures et en renforçant la transparence. Toutefois, la faiblesse des compétences numériques dans les administrations publiques reste un frein important, mettant en lumière l’urgence d’investir dans le capital humain.
L’étude révèle également des résultats différenciés selon les types de recettes fiscales. Lorsque les inégalités de genre se réduisent, la digitalisation a un effet renforcé sur les taxes liées aux ressources naturelles (pétrole, mines, etc.). À l’inverse, pour les taxes hors ressources (TVA, impôt sur le revenu), l’autonomisation des femmes peut atténuer les effets positifs de la digitalisation. Ces dynamiques complexes invitent à dépasser les approches linéaires et à penser des politiques fiscales plus contextuelles.
Une contribution originale aux théories de la gouvernance
Sur le plan théorique, l’article enrichit la littérature sur la gouvernance numérique. Il intègre des dimensions institutionnelles et sociales jusque-là peu prises en compte. En s’inscrivant dans la tradition de l’économie institutionnelle (North, Acemoglu & Robinson) et de la théorie des capabilités (Sen), l’auteur introduit également la notion d’asymétrie sectorielle : selon qu’il s’agisse de taxes sur ressources ou hors ressources, les effets des réformes diffèrent.
Cette approche permet de repenser l’efficacité des politiques publiques en soulignant qu’un même outil technologique peut produire des résultats opposés selon les contextes sociaux, institutionnels et économiques.
Implications pratiques et politiques
Les implications sont majeures pour les États en quête de souveraineté fiscale. L’étude souligne que la digitalisation doit être pensée de manière inclusive, en tenant compte de l’accès différencié des femmes aux services publics numériques, notamment dans les zones rurales ou marginalisées.
Former les agents publics, renforcer la confiance institutionnelle, et intégrer une approche sensible au genre deviennent des conditions incontournables pour réussir une réforme fiscale à l’ère numérique.
Vers une modernisation fiscale inclusive
Au-delà de la technologie, c’est une réforme globale de l’État et de ses outils d’intervention que cette étude appelle de ses vœux. Si la digitalisation des services publics constitue un levier puissant pour accroître les recettes fiscales et réduire la dépendance à l’aide extérieure, ces bénéfices dépendent fortement d’un environnement institutionnel juste et équitable.
Pour Omang Ombolo Messono, il ne suffit pas d’introduire des plateformes électroniques. Il faut penser la réforme comme un tout, en y intégrant l’équité, la formation et la représentation des femmes, afin que la modernisation fiscale devienne une réalité durable et inclusive.
Pour lire l’article complet : https://doi.org/10.1016/j.techfore.2025.124278









