
[Vitrine du Cameroun] – La scène sociopolitique camerounaise est en deuil. Anicet Ekane, figure emblématique et inébranlable de l’opposition, est décédé ce lundi 1er décembre 2025 à l’âge de 74 ans, des suites d’une maladie. Sa disparition, survenant à un moment charnière de la vie politique nationale, marque la fin d’un chapitre de plus de quarante ans de militantisme sans compromis, faisant de lui le véritable « Mot’a Bato » (l’homme du peuple) que l’histoire retiendra.
Un parcours héroïque au service de la nation
Né le 17 avril 1951 à Douala, Anicet Ekane, de son nom complet Georges Anicet Ekane, n’a jamais dérogé à l’idéal de souveraineté et de justice sociale. Son éveil politique, brutal et décisif, remonte à 1971 lorsqu’il assiste à l’exécution d’Ernest Ouandié, le dernier maquisard de l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Ce choc fondateur le lance dans une quête inlassable pour une « nouvelle indépendance », un concept qu’il inscrira au cœur de son action.
Diplômé en économie de l’Université de Lille I, il a été l’un des piliers de l’UPC clandestine dans les années 70 et 80, avant d’être de ceux qui ont ferraillé pour l’avènement du multipartisme au début des années 90. Son engagement lui vaudra la prison en 1990, où il fut condamné à quatre ans ferme et à une lourde amende pour son rôle dans les luttes démocratiques. Libéré par grâce présidentielle après six mois de détention dans des conditions difficiles, il n’a jamais cessé de « pédaler », selon sa propre expression favorite, reprenant immédiatement le combat.
Le MANIDEM, les villes mortes et l’alliance Kamto
Fondateur et Président du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (MANIDEM), Anicet Ekane a longtemps incarné l’aile panafricaniste et anti-impérialiste de l’opposition. Il fut un acteur clé des mouvements de contestation populaires comme les « Villes Mortes » et les opérations « Carton Rouge » contre la corruption et la mauvaise gouvernance.
Candidat à deux reprises à l’élection présidentielle (2004 et 2011), il est revenu sur le devant de la scène en 2025 en tant que figure de l’opposition unifiée. En juillet dernier, il a brisé les lignes en investissant officiellement le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Maurice Kamto, comme candidat à la présidentielle. Cet acte, lourd de sens, symbolisait le passage de témoin entre la génération des « pères fondateurs » de l’opposition post-unipartisme et la nouvelle garde, dans l’espoir de concrétiser l’alternance tant rêvée.
Devant le Conseil constitutionnel en août 2025, il s’était illustré par un plaidoyer vibrant en faveur de l’éligibilité de M. Kamto, réaffirmant son rôle de « bon passeur » et d’architecte des grandes alliances historiques.
Un héritage d’intégrité et de courage
Avec la disparition d’Anicet Ekane, c’est une mémoire vivante des luttes pour la démocratie au Cameroun qui s’éteint. Il laisse derrière lui l’image d’un homme politique intègre, d’un intellectuel avisé et d’un militant dont la parole était respectée, même par ses adversaires. Son parcours, jalonné par la répression, la prison et les coups de fouet, reste un témoignage puissant de la résilience face à un régime réfractaire au changement.
Les hommages affluent déjà de toutes parts, saluant le courage, l’abnégation et la constance d’un homme qui, jusqu’à son dernier souffle, aura cru en la capacité du peuple camerounais à se forger un destin libre et souverain. La question de l’avenir de l’opposition, en pleine préparation d’une échéance présidentielle cruciale, se pose désormais sans l’une de ses plus grandes boussoles morales et stratégiques. Le Cameroun a perdu un fils illustre, mais l’héritage d’Anicet Ekane, celui de la lutte sans concession pour la dignité et la démocratie, continuera d’inspirer les générations futures.








