[Vitrine du Cameroun] – Sous le prétexte d’un rapprochement de l’administration des populations, le projet de scission de la Lékié entériné à Monatélé le 11 décembre 2025 cache mal une guerre d’influence feutrée. Derrière les arguments techniques du développement se dessine une stratégie de repositionnement pour une élite locale en quête de nouveaux espaces de pouvoir. En fragmentant un département de seulement 2 989 km², les architectes de ce découpage s’apprêtent-ils à servir l’intérêt général ou à multiplier les sièges de prestige pour garantir leur survie politique dans la future carte administrative du pays ?
L’annonce a fait l’effet d’un séisme dans le ciel serein de la Sanaga. Réunies dans le chef-lieu départemental, les forces vives ont validé le projet de création de la Lékié-Est et de la Lékié-Ouest. Selon les informations relayées par le journal en ligne La Vitrine de la Lékié dans son article intitulé « Actualisation de la carte administrative : vers une Lékié-Est et une Lékié-Ouest », cette initiative viserait officiellement à rompre l’isolement de certaines localités. Pourtant, pour l’observateur averti, cette quête de proximité ressemble étrangement à une opération de survie politique.
Sur une superficie d’à peine 2 989 kilomètres carrés, la Lékié s’apparente déjà à un mouchoir de poche à l’échelle du Cameroun. Vouloir diviser un espace aussi exigu revient à multiplier les charges de fonctionnement là où l’on attendrait une mutualisation des ressources. En érigeant deux préfectures et deux états-majors administratifs, on crée surtout de nouveaux postes de responsabilité, de nouvelles directions départementales et, par extension, de nouveaux réseaux d’influence. La décentralisation, détournée de son esprit originel, devient ici un outil de gratification pour une élite qui se sent peut-être à l’étroit dans l’architecture actuelle.
Ce saucissonnage territorial, souvent présenté comme une solution miracle à l’enclavement, masque une réalité plus crue : la nécessité pour certains leaders de s’assurer un fief exclusif. Dans un département monolithique, la concurrence pour le leadership est féroce. En scindant le territoire, on multiplie les centres de décision et on offre des strapontins dorés à ceux qui pourraient être lésés par l’équilibre actuel. Si la proximité est un gage d’efficacité, elle ne doit pas devenir un prétexte à l’émiettement qui finit par rendre chaque entité trop faible pour porter des projets d’envergure nationale.
Enfin, la question de la péréquation financière reste le grand non-dit de cette rencontre de Monatélé. La création de nouvelles unités administratives ne garantit pas une augmentation des transferts de ressources depuis Yaoundé. Au contraire, elle pourrait diluer l’impact des investissements. Plutôt que de redessiner les contours physiques pour satisfaire des ambitions personnelles, l’urgence ne résiderait-elle pas dans l’autonomisation réelle des communes ? La modernité administrative réside dans la fluidité des services et non dans la multiplication des barrières et des chefs-lieux au profit d’un petit cercle d’initiés.












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