[Vitrine du Cameroun] – Ces dernières années, le Cameroun est témoin de plusieurs dérives tribales tant dans son espace cybernétique, médiatique, que publique. Face à la propagation de ces phénomènes qui devient un danger pour le vivre-ensemble, le département de Sociologie de l’université de Yaoundé I, avec l’appui technique du Laboratoire camerounais d’Etudes et de Recherches sur les Sociétés contemporaines (Ceresc), en collaboration avec #Defyhatenow Cameroon, ont organisé à Yaoundé, un colloque national pour tenter de défricher ce vaste chantier et reconstruire le bien-être communautaire.
Dans cette interview exclusive avec Vitrine du Cameroun, Ngala Desmond Ngala, Country Project Manage #defyhatenow, Founder of Civic Watch apporte une réflexion sur la nécessité pour la société civile de lutter contre la haine.
Vous organisez un colloque national sur la lutte contre les discours de haine et des violences au Cameroun. Quel diagnostic faites-vous de ce phénomène au Cameroun ?
Je crois que le Cameroun fait face à un problème qui date depuis l’indépendance. Nous avons plus de 250 ethnies. On a eu des constructions sociales autour des tribus, mais le discours de haine n’est pas qu’ethnique ou tribal. Il faut commencer par ce qui touche le Camerounais directement qui est la question tribale. Nous avons vu des personnes qui ont grandi ensemble mais qui aujourd’hui, à cause de certaines variables, commencent à se haïr.
Le discours de haine au Cameroun dans cette optique, intervient principalement à trois niveaux. Au niveau politique, il y a des personne qui utilisent certains propos pour instrumentaliser, voire stigmatiser des individus pour des gains politiques. Sur le plan social, il y a des personnes qui ont grandi avec des clichés qui sont devenus comme la réalité. Le troisième niveau, le plus important d’ailleurs se situe au niveau économique.
Par exemple, lorsque certains n’ont pas eu le travail, les moyens de survie, ils se retournent contre d’autres communautés, avec un discours beaucoup trop tribal. Tout ceci a un impact psychologique dans la mesure où dans 10 ans ou 20 ans, on va cesser de voir nos frères et sœurs comme des êtres humains.
Selon vous, quelles sont les formes de mobilisation sociale les plus efficaces et puissantes pour lutter contre les discours de haine au Cameroun ?
Premièrement, ce sont les actions pour la paix. Nous appelons régulièrement à la paix. Ça commence par des petites actions, menées par des personnes isolées ou des groupes. Si vous voyez quelqu’un qui est victime du discours, il ne faut pas attendre que ce soit lui qui se plaignent. Il y a des actions également à mener dans des églises, dans des groupes culturels…
Je crois que chaque groupe ethnique doit trouver un moyen d’autorégulation en matière de discours de haine. Cela veut dire que si nous voyons quelqu’un notre enfant ou quelqu’un de notre tribu prononcer un discours de haine, on doit être à mesure de le rappeler à l’ordre pour que ça serve aussi de leçon. Les membres de la société civile devraient davantage travailler pour que la tolérance et l’acceptation des uns et des autres soit au centre de leurs actions.
Quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement relativement à la montée en puissance des discours de haine dans l’espace public et médiatique ?
Le gouvernement est conscient du problème. D’ailleurs le président de la République le rappelle dans ses différents discours à la jeunesse ou à la nation toute entière. Aussi, une loi a été instituée par le gouvernement camerounais en décembre 2019 qui punit les auteurs des discours de haine. Nous avons également une commission nationale qui lutte contre le discours de haine. Nous avons un ministère de la Communication qui a toute une direction chargé de lutter contre le discours de haine. Le ministère des Postes et Télécommunication s’intéresse aussi à la question. Tout ce déploiement montre que l’Etat prend le problème à bras le corps.
Mais ce que j’ai envie de dire est qu’il faut aller au-delà, sortie de la politique pour passer au pragmatisme. Il faut une synergie avec le peuple, parce que nous sommes sur le terrain tous les jours et nous constatons que beaucoup de personnes ont perdu confiance aux actions du gouvernement.
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