
[Vitrine du Cameroun] – Une conférence dédiée à ce pionnier des sciences physiques, pharmaceutiques et chimiques décédé le 1er septembre 2025, s’est tenue le 12 novembre 2025 à l’amphithéâtre 300 de l’Université de Yaoundé I.
Pendant deux heures, le campus de l’ancienne université fédérale de Yaoundé a célébré une mémoire marquante de son histoire, celle d’un homme multidimensionnel dont le parcours irrigue encore aujourd’hui les fondations de l’enseignement supérieur camerounais. Devant un auditoire composé de pairs de l’Ordre des pharmaciens, d’universitaires, de chercheurs, d’anciens étudiants et d’une jeune génération venue s’abreuver à la source du savoir, la figure de Jacques Kamsu Kom s’est déployée dans toute sa profondeur, à la faveur d’une conférence à elle dédiée.
Alors qu’il s’apprête à entamer sa marche ultime vers Bayangam, où il sera inhumé le samedi 15 novembre, le professeur émérite reçoit cette semaine les hommages qui lui reviennent de droit. Le temps de cette conférence, deux personnalités l’ayant longuement côtoyé ont rouvert le livre d’une vie exceptionnelle : le docteur d’État en chimie Samuel Laminsi, l’un de ses élèves les plus marqués, et François-Marie Kanmogne, ancien responsable aux laboratoires Kamsu Kom. Leurs échanges, structurés en trois volets – Kamsu Kom l’universitaire, Kamsu Kom le pharmacien et Kamsu Kom le chercheur – ont permis de rappeler combien l’homme était inclassable. Une trilogie à l’image de l’éclectisme qui définissait ce scientifique hors pair.
Un parcours forgé dans l’exigence
Né le 9 février 1935 à Nkongsamba, Jacques Kamsu Kom appartient à la génération pionnière qui, dès les premières années de l’indépendance, s’est imposée sur les terrains exigeants de la science. De son Certificat d’études primaires obtenu en 1948 jusqu’à son accession, en 1969 à Paris, au rang de Professeur titulaire de la chaire de chimie minérale, il grava son nom dans l’histoire en devenant le premier Camerounais francophone titulaire d’un doctorat ès sciences physiques. Au pays, il fut le tout premier doyen camerounais d’une faculté universitaire, dirigeant la Faculté des Sciences de Yaoundé entre 1971 et 1974, avant de prendre la tête de l’Institut de Recherches Industrielles et Technologiques en 1975. Bâtisseur infatigable, il fonda en 1981 le premier laboratoire privé national dédié à la recherche, au développement et à la production pharmaceutique et agro-industrielle. Sa voix et son action dépassèrent les frontières nationales, lui valant notamment la Médaille du Caducée d’Or de l’Ordre des Pharmaciens du Mali en 2005 et une participation active au sein du Pugwash International, prestigieuse société savante engagée pour une science au service de l’humanité.
La vision souverainiste d’un scientifique en avance sur son temps
Au-delà des titres et des distinctions, les témoignages livrés ce mercredi ont peint le portrait d’un homme habité par une conviction profonde : la souveraineté scientifique comme fondement de la dignité nationale. Le représentant de l’Ordre des Pharmaciens a rappelé combien Kamsu Kom était, selon ses propres termes, « un nationaliste panafricaniste », farouche défenseur d’une industrie pharmaceutique nationale et africaine forte. Il évoque un esprit obsédé par l’innovation, l’autonomie des systèmes de production et la nécessité d’un développement endogène à l’heure où le monde parle désormais de politique de substitution des importations, une intuition que le professeur portait déjà il y a plusieurs décennies. Exigeant au plan scientifique, inflexible sur les protocoles, rigoureux jusqu’à l’obsession, il incarnait cette génération pour qui la science était une vertu cardinale. Une anecdote a particulièrement ému l’assistance : celle où, face aux défaillances d’un responsable technique, il refusa de céder à la complaisance, exigea l’application de toutes les procédures, vérifia chaque document, franchit chaque obstacle méthodologique, non pour humilier, mais pour élever, pour enseigner la discipline sans laquelle aucun progrès n’est possible. Loin de l’image du maître autoritaire, les témoins ont insisté sur son humilité proverbiale. Il ne se servait jamais de son âge ni de son autorité naturelle. Chez lui, la persuasion, la patience et la conviction primaient sur l’imposition. Il savait fédérer, rassembler, orienter, sans jamais écraser.
L’inventeur, l’humaniste et l’homme de plume
L’inventeur n’a jamais trahi l’universitaire. Son œuvre la plus connue, le Pola-Gastral, un médicament original destiné au traitement des ulcères gastriques, obtiendra en 1982 l’autorisation de mise sur le marché, devenant l’une des contributions pharmaceutiques les plus marquantes jamais issues d’un laboratoire camerounais. Cet accomplissement vient concrétiser sa vision profonde : faire de la recherche un levier d’émancipation nationale, redonner aux savoirs locaux leur légitimité scientifique, démontrer que l’Afrique peut produire pour elle-même.
Jacques Kamsu Kom était aussi un écrivain. Sa pensée débordait du cadre académique pour s’illustrer dans la sphère littéraire. Son ouvrage, Le Cahier des 27 pensées, en est la preuve. « Dieu ensemence des génies partout dans le monde, et c’est chaque nation qui saisit cette opportunité pour faire grandir ou non son peuple », écrit-il dans cet opuscule. Cette maxime, résonne aujourd’hui comme la leçon ultime d’un homme qui a passé sa vie à construire, à transmettre, à éclairer.
Jacques Kamsu Kom était assurément de cette caste de génies rares que le Cameroun, l’Afrique et le monde noir retiendront ad vitam æternam. Son œuvre scientifique, son engagement national, sa vision panafricaine et ses écrits continueront de vivre bien après que la terre de Bayangam se sera refermée sur lui. Et si une nation se reconnaît à la manière dont elle honore ses bâtisseurs, alors celle-ci vient, une fois encore, de saluer l’un des siens.










