
[Vitrine du Cameroun] – Le football camerounais, souvent plus passionné par les luttes intestines que par les résultats sur le terrain, vient de subir un coup de semonce administratif dont la portée pourrait redessiner les contours du paysage associatif sportif.
Djikdent Emmanuel Mariel, Préfet du département du Mfoundi, a en effet signé une décision choc annonçant le retrait d’office (l’annulation) de plusieurs récépissés de déclaration d’associations sportives de son registre. Cette purge, loin d’être anodine, vise principalement des structures regroupant d’anciens joueurs emblématiques des Lions Indomptables et d’autres acteurs influents du milieu.
La nouvelle, tombée tel un couperet, met en lumière les maux profonds qui minent le football national : querelles de leadership, syndicalisme déguisé et interférences inappropriées dans les affaires fédérales.
Les anciens lions, victimes de leurs propres démons
L’une des cibles principales de cette décision est l’Association des Anciens Lions Indomptables (ALIFOOT). Le motif invoqué par l’autorité préfectorale est sans appel : « dissensions internes et superposition avec l’association dénommée Collectif des Anciens Lions Indomptables de Football ».
C’est le spectacle désolant d’une fratrie divisée que l’administration vient de sanctionner. Depuis des années, la scène des anciens internationaux est le théâtre de rivalités acharnées, de chapelles qui se créent et se déchirent autour de la légitimité, de la gestion des fonds et de la représentation. Cette fragmentation chronique, qui empêche une voix unie et audible des gloires passées, a fini par lasser les autorités. En reconnaissant l’existence de structures concurrentes sur un même objet social, le Préfet tranche dans le vif, imposant l’ordre là où régnait le chaos des égos.
Le spectre du syndicalisme réprimé
Une autre entité, l’Association Dynamique des Anciens Footballeurs de l’Equipe Nationale, se voit également radier. Le motif, cinglant, est « Activités syndicales ».
Si l’action collective pour la défense des droits des anciens joueurs est légitime, l’utilisation d’une association loi 1990 à des fins clairement syndicales est une ligne rouge pour l’administration. Cette désignation suggère que l’association aurait dépassé son cadre initial, s’engageant dans des revendications et des actions qui empiètent sur le domaine réservé aux organisations syndicales, perturbant potentiellement la tranquillité publique et l’ordre établi. C’est un rappel ferme à l’ordre : le cadre légal des associations ne saurait être un tremplin pour l’activisme revendicatif de nature corporatiste.
Le CAFOOT, cible des inflexions fédérales
Mais la décision la plus lourde de sens politique et sportif concerne sans doute le Collectif des Acteurs du Football (CAFOOT). La liste des griefs à son encontre est édifiante : « introduction d’une proportion de membres se prévalant auteur dans le dossier de déclaration d’Association, activité syndicale, détournement d’objet et immixtion irrégulière dans les activités de la Fédération Camerounaise de Football ».
Le CAFOOT, souvent perçu comme une force d’opposition ou de contre-pouvoir dans l’écosystème du football, est clairement visé pour ses tentatives d’influence sur la FECAFOOT. Les termes employés – « détournement d’objet » et « immixtion irrégulière » – soulignent la volonté de l’administration de protéger la Fédération des interventions extérieures jugées illicites. Le fait qu’une partie des membres se « prévalant auteur » (probablement dans une référence à un statut non conforme ou une confusion de rôle) soit mentionné dans le dossier de déclaration témoigne d’une anomalie fondamentale dans la constitution même de l’association. Cette annulation signale une tolérance zéro face à toute tentative de parasiter ou de déstabiliser les instances dirigeantes du football.
En annulant ces récépissés, le Préfet Djikdent Emmanuel Mariel envoie un message fort : l’ère des associations floues, aux objectifs ambigus et aux agitations permanentes est révolue. C’est une invitation, brutale mais nécessaire, à la clarification des statuts et au respect strict du cadre légal. Reste à savoir si cette mise au pas administrative suffira à apaiser les passions ou si elle ne fera qu’ouvrir un nouveau chapitre de recours et de contestations dans les coulisses agitées du sport roi camerounais. Le football, une fois de plus, est au centre d’une crise qui dépasse largement le cadre des terrains.








