
[Vitrine du Cameroun] – Le soleil se lève sur Yaoundé, et avec lui, un ballet quotidien de frustrations. Sur la voie express qui devrait symboliser la modernité, les véhicules s’entassent, prisonniers d’un embouteillage dense et rageur. Pendant que les citadins maudissent les minutes perdues dans le chaos urbain, une question demeure en suspens, planant tel un fantôme technologique : qu’est devenu le projet de téléphérique censé nous élever au-dessus de cette misère routière ?
En juillet 2023, la ministre de l’Habitat et du Développement Urbain (MINHDU), Célestine Ketcha Courtès, faisait une annonce spectaculaire. Apres une audience avec les représentants du Groupe MND français, l’idée de doter Yaoundé d’un système de transport par câble était officiellement lancée. Le projet se voulait une solution ingénieuse et écologique pour contourner la problématique aiguë de l’emprise foncière et fluidifier les axes de circulation satures. La promesse d’une ville qui regarde vers le ciel pour résoudre ses problèmes terrestres avait de quoi séduire.
Pourtant, plus d’un an après cette communication pleine d’éclat, l’heure n’est plus à l’enthousiasme, mais au scepticisme froid et méthodique. L’enquête de terrain est implacable : le projet est au point mort.
Où sont les signes avant-coureurs de cette révolution aérienne ? Nulle part. Il n’y a eu ni annonce de levée de fonds confirmée, ni la moindre trace d’un appel d’offres pour une étude de faisabilité approfondie. Aucune mission d’experts n’a été vue délimiter les zones critiques. Nous n’avons observé aucun début d’enquête foncière pour identifier l’emprise des futures gares de départ, des stations intermédiaires ou des pylônes porteurs. Les sites potentiels, pourtant, ne manquent pas, mais ils restent désespérément à l’état de friches ou de zones habitées. Le silence radio a succède à l’onde de choc de l’annonce initiale.
Cette paralysie factuelle renforce la suspicion. Le projet de téléphérique, comme tant d’autres avant lui, n’était-il qu’un effet d’annonce habilement orchestre ? Une manœuvre de communication destinée à donner le change et à faire miroiter une modernité lointaine, tandis que les problèmes immédiats s’accumulent au sol ?
C’est là que le contraste devient criant et la critique légitime. Pendant que le MINHDU rêvait d’élévation par câble, la capitale camerounaise s’est retrouvée, une fois de plus, submergée par les inondations saisonnières. Les drames lies au manque de drainage et a l’état dégradé des collecteurs d’eaux pluviales rappellent brutalement que les urgences de Yaoundé ne sont pas futuristes, mais fondamentalement liées à l’assainissement et à la gestion des eaux.
Le choix d’orienter l’Energie ministérielle sur un projet technologique et financièrement pharaonique — dont la rentabilité et la pertinence pour une ville de la taille et de la configuration de Yaoundé restent à prouver — interroge. Ne s’agit-il pas d’un détournement d’attention vis-à-vis de l’entretien et de la réhabilitation des voiries urbaines existantes ? L’argent et l’expertise technique nécessaires a la construction d’une ligne de téléphérique (plusieurs dizaines de milliards de FCFA) ne seraient-ils pas mieux investis dans la consolidation du réseau routier et la lutte contre le sous-équipement hydrique ?
Le téléphérique de Yaoundé, annonce avec une fanfare médiatique, semble aujourd’hui n’être qu’une maquette suspendue au-dessus d’une capitale toujours engluée dans ses difficultes premieres. Il incarne tristement le symptome de ces projets au Cameroun qui naissent dans la lumiere des promesses politiques pour s’éteindre dans la pénombre de l’inertie administrative. Pour l’instant, le seul voyage que permet le téléphérique est celui de l’imagination. Les Yaoundéens, eux, continuent de rouler au pas, attendant de voir si ce projet ambitieux sortira un jour de l’atmosphère des annonces pour se poser sur la terre ferme de la réalité.









