[Vitrine du Cameroun] – Le spécialiste en génétique et écologie forestière tropicale se prononce sur les rouages qui entourent la commercialisation des essences forestières inscrites à l’annexe II de la Convention CITES et sur les efforts mis en place par l’ATIBT pour accompagner les pays africains dans leurs démarches d’exportation.
Quelle est la consistance du programme CITES mis en place au niveau de l’Association technique internationale des bois tropicaux ?
Le programme CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction, ndlr) a vu le jour en 2023 à l’issue du Comité permanent de la CITES au cours duquel on a rajouté trois genres (Afzelia, Khaya et Pterocarpus) à l’annexe II de la convention. Suite à cette inscription, les pays d’Afrique centrale et plusieurs entreprises forestières qui exercent particulièrement en Afrique centrale ont soulevé un certain nombre d’inquiétudes sur la façon dont le commerce allait se faire.
L’une des premières actions du projet était la pédagogie pour expliquer aux membres de la convention les différentes annexes, les conséquences d’une inscription sur les annexes. C’est comme ça qu’on s’est progressivement rendu compte que l’inscription à l’annexe II de la CITES par exemple ne signifie pas que le commerce est interdit.
Cela signifie que le commerce est régulé sur la base d’un certain nombre de documents qui doivent être fournis. Parmi ces documents, on a notamment les Avis de commerce non préjudiciable (ACNP) qui permettent de définir des quotas pour l’exportation des espèces. Ces quotas suggèrent que l’espèce est exploitée de manière durable. Ce sont des quotas qui résultent des mécanismes de précaution et de gestion durable de l’espèce. Il est aussi question de garantir le commerce. Il faut rappeler que la CITES vise à protéger des espèces commercialisables et à garantir le commerce sur le long terme.
Est-ce que les pays suivent systématiquement cette mouvance ?
Très vite, l’un des éléments qui a émergé était relatif au renforcement des capacités à deux niveaux : au niveau des pays (administrations), de la familiarisation avec les ACNP et dans la mobilisation à l’international. Les inscriptions à l’annexe II de la CITES résultent du fait que les pays ne s’étaient pas parfois suffisamment préparés à répondre aux obligations de la CITES
Le programme que nous mettons en place et qui est financé particulièrement par le projet Appui au secteur privé forêt-bois (ASP) via l’Union européenne a donc très vite essayé de mettre en place les outils techniques pour aider au lobbying, au plaidoyer que les pays parties à la CITES peuvent faire pour défendre leurs positions.
Ces derniers temps, l’on observe un rayonnement des activités menées par l’ATIBT sur la scène internationale. Qu’est-ce qui dénote un tel dynamisme ?
On a en effet eu une énorme mobilisation à l’international. Au cours de l’année 2023, on a participé à notre premier Comité pour les plantes. A l’issue de ce Comité, il y avait une proposition de certains pays, notamment de l’Union européenne, de renforcer davantage les mesures de conservation des espèces en Afrique centrale sans arguments scientifiques. L’une des premières actions du projet a été de mobiliser les pays pour contrer ce document de l’Union européenne.
Cela s’est fait avec succès. Puis on a participé la même année à la réunion du Comité permanent où on a pu se rendre compte des menaces et des risques de suspension que subissaient les pays d’Afrique centrale. On a fait remonter l’information et on a travaillé avec les pays pour préparer les arguments et les documents nécessaires. En juillet dernier, nous avons participé au Comité pour les plantes. Grâce à l’ensemble de ces mobilisations que ce soit au niveau du secrétariat de la CITES pour travailler avec les pays de manière à assurer une cohésion dans les actions et les interventions.
L’on a toujours reproché aux pays africains de ne pas agir de façon concertée lors des négociations internationales. Est-ce que les pays africains réussissent à parler d’une même voix ?
Les pays d’Afrique en général ne sont pas solidaires dans les décisions qui sont prises. En Afrique centrale, on peut se retrouver avec le Gabon qui soutient une position que ne partage pas le Cameroun. C’est malheureusement une faiblesse au niveau international. On a beaucoup travaillé à ce que les pays comprennent qu’on partage le même espace et qu’on est potentiellement sujet aux mêmes risques et menaces.
Suite à cela, on a eu la sollicitation du secrétariat de la CITES pour les appuyer dans l’organisation de l’atelier régional sur les avis de commerce non préjudiciable et les avis d’acquisition légale, tenu du 2 au 6 septembre 2024 à Douala (Cameroun). Pour cet atelier sur le bois de rose africain, l’ATIBT a préparé tous les éléments logistiques et techniques de la réunion. Nous avons participé en décembre 2023 à Nairobi au Kenya à l’atelier international des spécialistes sur les ACNP.
Au cours de cet atelier, on a par exemple travaillé sur le module 10 qui décrit et propose des outils pour la rédaction avis de commerce non préjudiciable pour les arbres. Au cours de l’atelier de Douala, il était question d’expliquer le contenu du module 10 et de faire une analyse sur l’ensemble des ACNP produits par les pays d’Afrique de l’Ouest (Ghana, Sierra Leone et Liberia) pour voir la cohérence entre ces ACNP et le module 10. Nous avons également proposé des analyses sur le lien qu’il peut y avoir entre l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) et la CITES, parce que généralement c’est l’IUCN qui alerte sur les menaces qu’encourt une espèce commerciale. Une fois que c’est fait, la CITES prend le relais pour définir le cadre dans lequel cette espèce peut ou va être exploitée. C’est cet ensemble d’actions qui entraîne un rayonnement de l’ATIBT et notamment de son programme CITES au niveau de l’Afrique centrale.
A l’issue de la réunion de Nairobi, est-ce qu’on a eu une idée des ACNP qui ont été délivrées ?
L’objectif de la réunion de Nairobi n’était pas directement de valider les ACNP. C’était de travailler à une approche méthodologique sur la manière de rédiger les ACNP. Il y avait 12 modules, dont celui portant sur la rédaction d’un ACNP pour les poissons, les éléphants, les concombres de mer, etc. Mais c’est le module sur les arbres qui nous concernait, avec en ligne de mire les critères que le secrétariat va utiliser pour valider ou non les futurs ACNP. Il faut indiquer que l’ATIBT via sa task force CITES a accompagné les pays qui le sollicitaient dans la révision des ACNP avant qu’ils n’envoient au secrétariat.
C’est fort de cette expérience qu’on a pu préparer les éléments qui nous permettent de voir comment garantir qu’un ACNP sera accepté ou pas. Mais, il faut relever que les producteurs en Afrique centrale rencontrent un problème. Quand on a un quota qui est publié, c’est la première étape du travail qui est fait. A ce moment, le pays doit délivrer les permis d’exportation. Ces pays d’exportation autorisent la marchandise à sortir, sauf qu’ils sont soumis à la demande d’un permis d’importation vers l’Union européenne.
C’est à ce niveau que ça bloque car, comme l’article 14 de la CITES prévoit des mesures domestiques, l’Union européenne a une batterie de mesures domestiques qui font que parfois un lot peut être exporté du Cameroun, arriver au port d’Anvers en Belgique ou au port de la Rochelle en France, et ne malheureusement pas entrer parce qu’il y a une mesure domestique qui n’a pas été satisfaite. Pourtant, ces mesures n’existent pas au niveau du Cameroun.
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