[Vitrine du Cameroun] – A l’initiative de l’Ong américaine Rainforest Alliance, un atelier de suivi des initiatives de restauration des forêts sacrées avec les chefs traditionnels des hautes terres de l’Ouest-Cameroun a été organisé le 13 novembre 2024 à Bafoussam, afin d’évaluer les actions de conservation des forêts sacrées mises en œuvre dans le cadre du « Eliminer les obstacles à la conservation de la biodiversité, à la restauration des terres et à la gestion durable des forêts par la gestion communautaire des paysages (COBALAM) ».
L’objectif principal de l’atelier qui a rassemblé une cinquantaine de participants (chefs traditionnels, OSC, personnel Rainforest Alliance et experts) était d’évaluer, avec les chefs traditionnels et autres gestionnaires des forêts sacrées, les actions engagées depuis 2021 pour la conservation des forêts sacrées et d’identifier les opportunités d’amélioration.
De manière spécifique, il était question d’évaluer les actions de restauration et de gestion des forêts sacrées, en mettant en lumière les succès et les défis rencontrés; d’analyser la notion d’aire protégée communautaire, les opportunités et les risques de la nouvelle loi forestière pour les forêts sacrées dans les hautes terres de l’ouest et d’identifier les actions complémentaires pour renforcer la conservation des forêts sacrées. L’enjeu étant d’informer les gestionnaires des forêts sacrées sur le niveau de réalisation des activités de restauration et de gestion durable des forêts sacrées; de les sensibiliser ainsi que les autres parties prenantes sur la notion d’aire protégée communautaire et autres opportunités et risques de la nouvelle loi forestière sur la conservation des forêts sacrées et d’identifier les actions à mener pour améliorer la conservation des forêts sacrées.
La moisson des initiatives de conservation des forêts sacrées depuis 2021
Les présentations faites par les organisations de la société civile actives dans les hautes terres de l’ouest et sollicitées (de manière contractuelle) pour la mise en œuvre des mesures de conservation des forêts sacrées dans le cadre du projet COBALAM, ont révélé des résultats intéressants.
L’on retient la sensibilisation les groupes cibles (au total 550 personnes) qui impactent les forêts sacrées des chefferies sur l’importance de la conservation pour la culture et la biodiversité, en collaboration avec les chefferies, la production des cartes participatives géoréférencées des limites des forêts sacrées du groupement de Bambui entre avril et juin 2022 et des groupements de Bamendjida, Batcham, Bamougoum, Bameka, Batié, Bakassa, Bandrefam et Batoufam d’octobre à décembre 2022. Il en est de même de la sensibilisation des groupes cibles qui impactent négativement les forêts sacrées des groupements Bamendjida, Bamougoum, Bameka, Batoufam, Bandrefam, Bakassa, Bapa et Bambui entre novembre 2023 et mai 2024, sur l’importance de la conservation des forêts sacrées. Dans ce registre, 740 personnes ont été touchées. La délimitation participative des forêts sacrées a été réalisée avec les chefferies traditionnelles et les communautés riveraines et les espaces dégradés qui requièrent une restauration ont été identifiés.
Les besoins en restauration des forêts sacrées ainsi que le choix des espèces à utiliser ont été identifiés avec la participation des chefferies traditionnelles. 20 000 plants (eucalyptus, ayous, avocatiers, safoutier et agrumes) ont été distribués dans les chefferies de Bakassa, Bana, Batoufam, Bandrefam, Bamougoum, Bameka, Bapa, Batchingou, Batcha et Badenkop. Deux chefferies (Batoufam et Bamougoum) ont été formées aux bonnes pratiques agricoles. Une pépinière de 15 000 plants a été mise en place à Bambui dont 14 081plantés. Sept pépinières ont été mises en place dans les chefferies Bamendjida, Bamougoum, Bameka, Batoufam, Bandrefam, Bakassa et Bapa, avec au total 50 730 plants produits dont 28 922 plantés.
La gestion intégrée du paysage, facteur de succès des initiatives menées sur le terrain
Les actions menées s’inscrivent en droite ligne de la composante 1 du projet COBALAM sur la protection des forêts gérées par les communautés et l’alignement institutionnel pour la gestion intégrée du paysage qui se concentre sur l’amélioration de l’environnement favorable afin que les forêts à haute valeur de conservation (FHVC) parmi lesquelles les forêts sacrées soient mieux protégées et que les ressources naturelles soient gérées de manière durable, tandis que les moyens de subsistance ruraux sont améliorés.
D’après l’Ong américaine Rainforest Alliance, les forêts sacrées sont, avec les pratiques qui s’y rattachent, considérées comme de véritables sanctuaires de la biodiversité végétale et animale et constituent des alternatives à explorer pour la sauvegarde de l’environnement. Ces forêts, poursuit l’Ong, constituent la méthode traditionnelle de conservation de la biodiversité. Comme tel, elles aident à protéger des écosystèmes ou les habitats particuliers et présentent des aspects positifs, susceptibles d’enrichir les politiques nationales en la matière. Seulement, en dépit des interdits et des caractères spirituels de la forêt sacrée, elles sont de plus en plus soumises à des pressions anthropiques pour les terres agricoles et la collecte du bois de chauffage.
En novembre 2021, les chefs traditionnels et les gestionnaires des forêts sacrées ciblées ont d’ailleurs pris quatre résolutions suivantes pour améliorer la conservation des forêts sacrées. La première portait sur la préservation du caractère secret de certains sites et pratiques dans les forêts sacrées. La deuxième résolution consistait à mettre les chefs traditionnels au centre des décisions liées aux actions de conservation. Selon les termes de la troisième résolution, les chefs traditionnels s’engagent à accompagner le projet dans la mise en œuvre des mesures de conservation qui respectent les coutumes et les traditions locales. Enfin, la quatrième résolution était relative aux mesures de conservation prioritaires à prendre, soit : faire une délimitation participative avec les populations/communautés riveraines de la forêt sacrée, renforcer la sensibilisation des groupes cibles qui impactent négativement la forêt sacrée sur l’importance de la conservation pour la culture, restaurer les forêts sacrées et renforcer les initiatives de tourisme culturel engagées par les chefferies traditionnelles.
Opportunités et risques du classement des forêts sacrées en aires protégées communautaires
Il faut relever que le projet COBALAM est financé par le Fonds pour l’Environnement Mondial (FEM) et mis en œuvre par ONU-Environnement et le ministère camerounais de l’Environnement, de la Protection de la nature et du Développement durable (MINEPDED) en partenariat avec l’Ong américaine Rainforest Alliance. Il a pour but de conserver la biodiversité dans les hautes terres de l’Ouest et la région du Sud-Cameroun, à travers une approche de gestion durable du paysage dans laquelle les forêts à hautes valeur de conservation (FHVC) sont protégées et les zones forestières et agricoles environnantes gérées par une gestion communautaire participative des ressources naturelles et le développement d’entreprises locales qui exploitent les ressources naturelles de manière durable et génèrent des revenus pour les populations locales.
L’atelier se tenait dans un contexte marqué par l’avènement du concept d’aire protégée communautaire, consacré comme une innovation par la loi N° 2024/008 du 24 juillet 2024 portant régime des forêts et de la faune. Lequel concept est défini comme « aire protégée relevant du domaine national d’une communauté riveraine, dédié à la forêt et géré conformément aux usages locaux » (article 3). L’aire protégée communautaire obéissant aux règles de classement et de gestion des forêts permanentes selon les articles 23 à 27 et 33 de la nouvelle loi de juillet 2024.
A en croire Patrice Bigombe Logo, consultant pour le compte de Rainforest Alliance, la nouvelle loi indique que le classement des forêts sacrées en aires protégées communautaires offre au moins six opportunités de gestion des forêts sacrées. Il y aura la sécurisation des forêts sacrées qui vont être classées au plan foncier dans le domaine privé de l’Etat, avoir un titre foncier, être gérée suivant les dispositions du plan d’aménagement adapté aux usages locaux et seront cartographiées, délimitées et rattachées au réseau géodésique national. La deuxième opportunité porte sur la rationalisation de la gestion des forêts sacrées, sur la base d’un plan d’aménagement adapté aux usages locaux.
L’élaboration et la mise en œuvre de ce plan doivent être faites de manière participative, afin que toutes les parties prenantes en aient une compréhension commune et se l’approprient afin d’assurer une mise en œuvre effective, fait observer le consultant. Une autre opportunité est relative à la mise en place d’une structure représentative des communautés riveraines (entité juridique, personne morale de droit public bénéficiaire), dotée de la personnalité juridique, qui va organiser les modalités d’accès à la forêt sacrée devenue aire protégée communautaire. L’autre aspect concerne la délivrance des services écosystémiques à la communauté, au pays et à l’humanité toute entière. Sans oublier la valorisation des fonctions culturelles et sociales des forêts sacrées en tant que lieux de pratique des rites, de recréation, etc. Enfin, il y a la valorisation des fonctions écotouristiques des forêts sacrées.
Malgré ces opportunités, le classement des forêts sacrées en aires protégées communautaires présenterait des risques. Ils sont notamment liés à : la restriction des droits d’usage et d’accès des communautés riveraines aux forêts sacrées s’ils sont contraires aux objectifs assignés à l’aire protégée. L’on risque d’aboutir aussi à une patrimonialisation publique des forêts sacrées avec le passage des forêts sacrées du statut de patrimoine communautaire au statut de patrimoine public. Par ailleurs, l’aménagement et la gestion de l’aire protégée communautaire
Nécessitent des besoins en termes de ressources financières. De même, la procédure de classement, l’élaboration du plan d’aménagement, la mise en œuvre et le suivi des activités prévues requièrent la mobilisation de ressources humaines, matérielles et financières conséquentes, martèle M. Bigombe Logo. Face à ces contraintes et risques, les chefs traditionnels ont, lors des travaux de l’atelier de Bafoussam, exprimer le fait qu’ils ne souhaitent pas, pour l’instant, changer le statut anthropologique et sociologique des forêts sacrées qui font partie de leurs terroirs.
Proposition pour le maintien du statut traditionnel actuel des forêts sacrées des hautes terres de l’Ouest
A l’issue de l’atelier, les chefs traditionnels et les gestionnaires des forêts sacrées se sont dits favorables au maintien du statut traditionnel actuel des forêts sacrées. Au motif que leur classement en aires protégées communautaires conduirait à leur intégration dans le domaine privé de l’Etat et à leur transformation en patrimoine communautaire public dont la gestion serait assurée par une entité juridique représentative de toutes les catégories sociales des villages et des espaces concernés. Ce qui est contraire au statut anthropologique et sociologique actuel des forêts sacrées, indiquent les détenteurs du pouvoir traditionnel.
Néanmoins, les participants ont évoqué une piste/option offerte par la nouvelle loi forestière qui peut être explorée pour les forêts sacrées, à savoir les aires privées de conservation des ressources forestières consacrées par l’article 41 de la loi du 24 juillet 2024. Concrètement, il s’agit des espaces relevant du domaine privé des personnes physiques ou des personnes morales de droit privé et créés en vue de l’utilisation et de la gestion durable de leurs ressources forestières et fauniques.
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C’est une bonne initiative de penser à la restauration des bois sacrés mais même au littoral on doit pouvoir le faire comme chez moi a bomono nous les anciens du village savons ce que représente cette perte du savoir ancestral qui y étais quand nous étions tout petits bref la chute de notre baobab me fait trop mal
Un article riche d’intérêt pour poursuivre les réflexions et actions d’orientation au gouvernement pour recadrer les choses dans le décret d’application de la nouvelle loi régissant les forêts et la faune, afin de prendre en compte les différents intérêts des parties prenantes de la conservation communautaire d’APAC de forêts sacrées au Cameroun afin de garantir pleinement des fonctions anthropologiques et bioculturelles.
Continuons à signer la pétition
Les aires protégées commentaires renferment une biodiversité importante et s*ont conservées grâce aux savoirs ancestraux, des savoirs traditionnels qui contribuent grandement à la conservation de la biodiversité.* 🌲💚
La loi N°2024/008 du 24 Juillet 2024 portant régime des forêts au Cameroun reconnaît ces espaces conservés par les communautés et *doit être prise compte par le gouvernement camerounais.*
Signez cette pétition 👉 https://act.gp/3Yyvukd