[Vitrine du Cameroun] – Nous sommes le 13 novembre 2024, et à l’école publique de Beke-Route, l’atmosphère est électrisante. À 12h45, la cour principale est bondée. Les élèves profitent de leur pause pour se détendre, jouer et socialiser. Les filles s’amusent à sauter à la corde, tandis que les garçons s’affrontent dans un match de football passionné.
Cette journée n’est pas seulement une occasion de profiter de la récréation ; elle s’inscrit également dans le cadre de l’opération « zéro enfant dans la mine » qui vise à sensibiliser sur les dangers et l’impact du travail des enfants dans les mines.
A cette période de l’année scolaire, le directeur de l’école publique ne peut pas espérer mieux que l’effectif actuel de 290 élèves et deux enseignants. « Dans les années antérieures, il n’y avait pas l’effectif que vous voyez actuellement. La sensibilisation gagne du terrain et c’est un travail quotidien. Lorsqu’on se rend compte qu’un enfant n’est pas là, on va chez les parents se renseigner », relate avec entrain le directeur, Joseph Vambele. Ce dernier doit cette situation à l’intervention de la Société nationale des mines (Sonamines) qui, à son avis, fait des pieds et des mains pour en découdre avec la présence des enfants dans les mines.
L’une des dernières actions d’envergure dans la localité est la descente effectuée par le directeur général adjoint de la Sonamines Fru Jonathan, le 25 septembre 2024, pour distribuer des kits scolaires. La cérémonie « Opération zéro enfant dans la mine, 4e édition » a réuni sept écoles avec la distribution des dons et des promesses faites de la part de l’Etat camerounais via la Sonamines. « Avant, lorsque la sensibilisation n’avait pas encore gagné du terrain, plusieurs ignoraient le bien-fondé de l’école. Il y a des parents qui présentent des signes d’inaptitude à l’éducation occidentale. En septembre, on va enregistrer entre 200 et 260 enfants et vers mi-octobre début novembre, on va se rendre compte que la moitié de ces enfants ont fait ce qu’on appelle le décrochage, c’est-à-dire les déperditions scolaires », explique Joseph Vambele. « Ils vont dans les mines et en ressortent avec soit 20 000 F ou 30 000 F. Dès lors, venir à l’école de 7h30 à 14h est un perd-temps pour lui parce qu’il a déjà l’argent entre ses mains. Or, avec le monde qui est devenu un village planétaire, si on néglige l’école, on sera des hypers analphabètes demain », soutient, mordicus, notre source.
Visiblement, depuis que la Sonamines est au chevet des communautés, il y a une stabilité. « L’activité minière est pénible et demande beaucoup d’énergie. En plus, quand un enfant abandonne l’école au cycle primaire et se retrouve dans les mines, leur avenir est bafoué. Il y a tout un mécanisme qui est en train d’être mis en place au niveau de la Sonamines pour contenir ces enfants dans les écoles, car leur avenir en dépend », se réjouit Joseph Vambele. Toutefois, il faut composer avec des parents qui n’ont pas encore compris la nécessité de l’école. « Nous sommes butés au paiement des frais d’Apee qui peut permettre de gérer le personnel enseignant, notamment un maître des parents. Mais, il y a une lenteur observée. 30% de parents paient une avance des frais scolaires et ne terminent pas. Ils demandent aux enfants de se battre pour compléter », avoue le directeur de l’école publique de Beke-Route.
Dans l’imagerie, les jeunes vont dans la mine pour éviter le chômage. « S’ils ne travaillent pas, ils n’auront pas de quoi manger. Ils sont obligés d’entrer dans les trous pour trouver de quoi manger et nourrir leurs petites familles », déclare Adamou Lande Victor, chef traditionnel Beke-Route. Pour ce qui est du cas particulier des élèves, la situation est un peu plus différente. « Les élèves vont souvent au chantier. Mais, nous avons pris les dispositions pour qu’entre lundi et vendredi, ils soient à l’école. C’est à partir de samedi qu’ils vont au chantier pour se battre », indique l’autorité traditionnelle.
Le phénomène des enfants dans la mine est permanent dans la localité de Kette, au point de devenir un caillou dans la chaussure des communautés et du gouvernement. Selon le chef de premier degré de Gbaya de Kette et Ouli, Sa Majesté Gilbert Mbele Massike, l’éducation prend un coup en raison de l’activité minière. « Notre fils, le défunt ministre des Mines, Dr. Gabriel Dodo Ndoke, était un fils de Kette. Pour être ministre, il fallait aller à l’école. Vous convenez avec moi que si ce vaillant guerrier comme nous appelons aujourd’hui n’était pas allé à l’école, on n’aurait jamais eu un membre du gouvernement sortant de nos terres. Est-ce que je ne vais plus avoir un autre haut cadre dans cette République, parce que la plupart des jeunes se sont lancés dans l’activité minière ? », s’interroge le chef traditionnel. « Parfois, vous allez dans les salles de classe, elles sont vides. Ce n’est pas faute d’établissements. Il y en a suffisamment. Mais les enfants qui vont à l’école ne veulent pas forcément y rester. C’est juste un passe-temps. On est en droit de s’inquiéter de ce qui arrivera. Donc, le taux de déperdition scolaire est très élevé dans notre zone du fait de cette activité minière », soutient Sa Majesté Gilbert Mbele Massike.
L’Opération zéro enfant dans la mine est une initiative lancée par la Société nationale des mines (Sonamines) en septembre 2021. La campagne de sensibilisation, de scolarisation et d’appui aux établissements primaires vise à contribuer à baisser le taux de déperdition scolaire dans les zones minières. Au fil des ans, l’intensification de la sensibilisation et la formation des relais communautaires permet à la Sonamines, de mener une action de proximité dans le cadre de cette opération tout le long de l’année, apprend-t-on sur le site web de la Sonamines.
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