Afowiri Kizito Fondzenyuy
[Vitrine du Cameroun] – Après avoir parcouru les 6 continents avec des prix à l’appui, Afowiri Kizito Fondzenyuy a remis son « Toghu » (tenue traditionnel issue de la région du Nord-Ouest, Cameroun, inscrit dans le livre Guinness World record) au musée national. Dans une interview accordée à nos confrères du journal Le Jour, le coureur parle de ses prouesses et ses projets. Il annonce d’ailleurs l’organisation d’un marathon dans la ville de Yaoundé.
Le 23 juillet dernier, au musée national, vous avez remis votre tenue ayant obtenu le livre Guinness des Records (Guinness World Records). Quelle était la symbolique de ce geste ?
Remettre le record du monde Guinness à la République du Cameroun, qui est mon pays d’origine, est lourd de symbole. Je ne pense pas que ce record m’appartenait seul. Il appartenait aux camerounais. Et je ne le considère pas seulement comme une source d’inspiration pour les jeunes et les moins jeunes. Je veux simplement que tous ceux qui voient ce record prennent le temps de réfléchir à ce qu’il signifie pour le pays. Nous avions l’habitude de lire des articles sur les détenteurs de records du monde Guinness dans les livres et les magazines. Vous avez un devant vous. Cela signifie que tout est possible. Et j’insiste toujours sur l’âge. J’ai accompli cet exploit à l’âge de 50 ans, presque 51 ans. La retraite au Cameroun, je crois que c’est à 55 ou 60 ans. Quand vous avez 50 ans, on vous appelle « le père », « la mère ». Vous avez encore la possibilité de rêver et de faire ce que vous avez à faire. Je veux donc que les gens comprennent qu’ils peuvent utiliser ce qu’ils font, ce qui les passionne, pour continuer à avoir un impact. Avoir un impact par le biais du militantisme, du don, du sport. Je me suis donc dit : « Je suis dans la cinquantaine, bientôt j’aurai 53 ans. Côté santé, je viens de courir six kilomètres ce matin. Je n’ai vraiment aucun problème. Grâce aux marathons, j’ai abandonné beaucoup d’autres habitudes. Donc, dans l’ensemble, c’est un parcours complet. Je sais que nous avons beaucoup à offrir ici. Et vous, en tant qu’individu, vous avez beaucoup à apporter à la communauté et à la société.
Comment le ministère de la Culture et le public ont accueilli votre arrivée ?
Vous savez, quand on est enfant et qu’on rêve, parfois, ces rêves deviennent réalité. Et cette réalité, tout d’abord, ressemblait davantage à tout ce dont j’avais été témoin. Tout d’abord, ma famille, mes amis, tous ceux qui sont venus me soutenir. Ensuite, le plus drôle, c’est que ceux vivant dans la diaspora ne savaient pas que le Cameroun avait un musée national. Cela a donné beaucoup de visibilité à ce musée. Car maintenant, grâce à cela, des gens vont venir et pourront visiter le musée. Et devinez quoi ? Ils paieront des droits d’entrée et cela générera des revenus. J’étais extrêmement impressionné par le fait que, le ministre des Arts et de la Culture, le directeur du musée, aient compris l’importance de ce que j’ai fait. Ce n’est pas facile de venir et de dire que vous faites un don à un musée national… Moi, un enfant originaire de la région du Nord-Ouest, qui est parti en Amérique, puis qui a eu son Toghu près de la trompette de Manu Dibango. Le mannequin qui arbore fièrement cette tenue historique est placé au musée dans la zone appelée le « coin des légendes ». Je vous parle en ce moment même, j’en ai la chair de poule.
Le 26 juillet dernier, vous avez accompagné d’autres sportifs sur la pente du mont Fébé lors d’une course. Quelle était l’idée derrière ce concept ?
Ce concept consistait simplement à faire sortir les gens pour que nous puissions courir ensemble. Il était question pour les uns et les autres de mettre un nom sur le visage. Ensuite, surtout, juste pour préparer le marathon qui approche, le marathon culturel de Yaoundé en vue. Ainsi, les gens peuvent commencer à comprendre que le marathon arrive au pays. C’était juste une petite course avec un groupe de personnes. C’est juste autour de ce concept et c’est en prélude à des grands évènements à venir.
Vous avez décidé de courir avec le Toghu, un tissu traditionnel des Grassfields au Cameroun. D’où vous vient cette idée ?
Je dirais à tout le monde : si je courais avec Nike ou Adidas, serions-nous assis ici ? Je suis allé à Berlin quand je participais au marathon de Berlin. Et je pense que Dieu voulait que je fasse quelque chose pour le Cameroun dans le sens où il me parle de différentes manières. Le marathon est une fête où tout le monde célèbre pendant environ 42 kilomètres. Il y a des gens qui courent en costume, d’autres en kimono, d’autres encore en sari, chacun représentant sa culture. C’est aussi fou que quelqu’un qui court avec un ananas en équilibre sur la tête. Quelqu’un qui fait rebondir un ballon. Et je me suis dit : « Pourquoi je ne représenterais pas ma propre culture ? » Et l’idée du Toghu m’est venue à l’esprit… Quand j’ai couru mon premier marathon en Toghu, à Londres, les gens me posaient des questions et prenaient des photos. Et je me sentais comme au paradis. Porter sur mes épaules la culture de mon pays, porter mon pays sur mon dos, c’était une sensation différente. C’est une sensation différente de celle que l’on ressent quand on court pendant 90 jours avec Nike…
Est-ce que vous pensez transmettre cet héritage au niveau du Cameroun ? Y a-t-il des projets en vue ?
Je vis en étrangers depuis plus de 20 ans. Mon corps est aux États-Unis, mais mon cœur est au Cameroun. Il m’arrive de venir au Cameroun quatre fois par an. J’essaie de faire en sorte que mes enfants comprennent ce qu’est le Cameroun, le toghu et tout le reste… Je veux qu’on les appelle Camerouno-Américains, pas Afro-Américains. Chaque fois que je courais en toghu, mes enfants allaient à l’école habillés en toghu. Le Toghu a inspiré plusieurs jeunes au niveau de la diaspora. Je suis un ambassadeur culturel dans les marathons. Rien ne m’empêche de courir avec les autres tissus traditionnels dans la mesure où il y a une histoire à raconter. J’ai récolté plus de 200 000 dollars. Au cours de toutes mes années de collecte de fonds, j’ai créé une organisation à but non lucratif appelée Amon Foundation. J’ai investi dans des projets au Cameroun. Nous avons construit des ponts, des salles de classe. Nous avons fourni du matériel scolaire. Nous avons évalué les capacités d’apprentissage des enfants et nous envisageons même de construire un centre pour l’autisme. Il est question de construire davantage de centres de formation pour l’autisme. Vous voyez, l’autisme, c’est là qu’il y a un grand fossé, l’éducation inclusive. Et l’éducation inclusive, ils ont dit qu’on ne peut pas faire d’éducation inclusive si les enfants eux-mêmes n’ont personne pour les former.
Est-ce que vous avez pu rencontrer le ministre des Sports et de l’Education physique durant votre séjour ?
Nous avons adressé une correspondance au ministère, ayant pour objet une demande d’audience. Malheureusement, je n’ai pas pu rencontrer le ministre pendant mon séjour. Il n’était pas dans la ville. Mais j’ai été bien reçu par le responsable la communication auprès dudit ministère. Nous lui avons présenté le projet, et comptons avoir une suite favorable dans la mesure du possible. Mon équipe et moi sommes disponibles pour rencontrer les autorités et toutes personnes désireuses d’accompagner nos actions au Cameroun. Quand je reviendrai, j’aurai besoin d’un peu de repos, et je reviendrai pour voir le ministre. Mon espoir, mon plan, c’est qu’on puisse mettre en place ce projet de marathon avec le concours de la fédération camerounaise d’athlétisme. Cet événement aura un impact considérable sur le l’économie du pays parce que les participants viendront des pays différents quatre coins du monde.
Est-ce qu’il s’agit pour vous de faire un marathon avec les différentes tenues traditionnelles du Cameroun ?
Nous commencerons à l’étape pilote. On fait le marathon de Yaoundé pour apprendre de nos erreurs et ajuster. Donc, on fait la phase pilote. Et après, on sait que l’on a traversé toute l’administration, et qu’on comprend le terrain. Ensuite, c’est facile de copier et coller. L’organisation prend assez de temps. Il faut travailler et conjuguer les efforts. J’ai aussi besoin d’amener une équipe de gars des Etats-Unis. Mon objectif, c’est que le marathon soit éventuellement certifié. C’est-à-dire qu’une fois certifié, tu fais un marathon et tu peux te qualifier facilement pour Boston. J’ai besoin d’amener beaucoup de professionnels pour m’aider. On doit faire un événement avec des athlètes de Kenya ou d’autres régions. On envisage organiser le marathon entre juillet et août au regard du climat…









