
[Vitrine du Cameroun] – Le chef du programme CITES à l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) fait le point sur le récent atelier régional sur les ACNP tenu à Douala et décline les chantiers nécessaires à un commerce du bois durable, à l’échelle internationale.
Du 17 au 20 mars 2025, l’ATIBT a assuré la coordination technique de l’atelier régional de partage des outils de renforcement des capacités pour la mise en œuvre des Avis de commerce non préjudiciables (ACNP) en Afrique centrale. En quoi une telle activité conforte le rôle de l’ATIBT dans le dialogue multi-acteurs pour un bois durable sur les marchés internationaux ?
En ce qui concerne l’atelier de Douala, le rôle de l’ATIBT est de promouvoir un commerce durable des espèces de bois d’œuvre. Et donc l’ACNP qui est un outil fondamental et clé dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention CITES, particulièrement pour les espèces de bois d’œuvre inscrites à l’Annexe II de la Convention, joue un rôle central. Et les pays n’ayant pas les mêmes niveaux et disponibilités de mise en œuvre, le rôle de l’ATIBT est donc de pouvoir centraliser les informations, mais surtout à travers cet atelier, d’inviter l’ensemble des parties prenantes impliquées.
On a dans le cadre de cet atelier la présence des autorités scientifiques, des organes gestion de chaque pays, mais également le secteur privé. Comme vous le savez, le secteur privé est directement impliqué dans la mise en œuvre des ACNP, parce que les quotas qui sont définis sont généralement définis pour les entreprises du secteur privé.
Il était important qu’elles soient également présentes. Mais surtout le secteur privé certifié ou le secteur privé aménagé et investi formellement dans la gestion durable était représenté, car ce sont eux qui subissent de plein fouet les difficultés liées à la mise en œuvre des ACNP.
Quelle est l’ampleur de ces difficultés ?
Ces difficultés se rencontrent principalement sur l’accès au marché européen de bois. En fait, lorsqu’une espèce est inscrite à l’Annexe II de la Convention, les pays producteurs doivent produire ce fameux ACNP. Dans cet ACNP, il y a un aspect fondamental qui est la définition du quota, le quota dit durable c’est-à-dire la quantité de bois qui peut ètre produit de manière à garantir que cela ne menace pas la survie de l’espèce dans son habitat naturel.
Quand elle est inscrite à l’Annexe II, le pays doit produire un ACNP et associer à cela un quota. Et une fois que cela est fait, il peut produire maintenant le permis d’exportation. Seulement, pour le marché européen de manière global, le Scientific Review Group CITES de l’Union européenne a mis en place que, pour toute espèce inscrite à l’Annexe II de la Convention, elle est transférée à l’Annexe B du Règlement de l’Union européenne.
Dès qu’elle est transférée à cette Annexe B, l’Union européenne impose à ce moment un permis d’importation. Le permis d’importation dans le cadre de la Convention CITES n’est valable que pour les espèces de l’Annexe I. Pour l’Union européenne, il faut produire un permis d’importation pour les espèces de l’Annexe II. Et c’est là où les choses se corsent, parce que depuis un moment, l’Union européenne a mis en place un certain nombre de modalités encadrant la délivrance de ces permis d’importation.
Est-ce qu’il y a eu une information préalable des pays exportateurs de bois en direction du marché européen ?
Seulement, ces modalités n’ont été connues qu’à la fin-décembre 2024 lorsque l’UE a fait cette publication sur une notification via le Secrétariat de la CITES pour informer. Les exigences liées à ce permis d’importation sont nombreuses. Il y a notamment : l’obligation d’obtenir un taux de reconstitution d’au moins 50%, les éléments de densité, de structure des populations. Malheureusement, pour ce qui est particulièrement du taux de reconstitution, on n’a pas d’informations sur les paramètres de calcul que l’UE utilise.
On ne sait pas dans les détails de cette formule quels sont les éléments que l’UE fixe. Est-ce qu’ils sont différents de ce que les pays ont ou mettent en place ? Est-ce qu’ils sont identiques ? Cela fait qu’on est aujourd’hui dans une situation extrêmement catastrophique pour les pays comme le Gabon où depuis septembre 2024, on n’a pas un seul mètre cube de pois de padouk qui a été commercialisé sur le marché européen. Je tiens vraiment à rappeler que cette situation a des conséquences très graves.
Quel est le plaidoyer porté par l’ATIBT en faveur d’un commerce durable du bois ?
A l’ATIBT, nous soutenons qu’une meilleure conservation passe par une meilleure valorisation des forêts. Et alors que nous célébrons la Journée internationale des forêts le 21 mars, nous pensons que l’un des aspects fondamentaux dans la conservation des forêts c’est la valeur. Si on ne donne pas de valeur aux forêts, on risque d’augmenter leur vulnérabilité.
Nous voulons que l’Union européenne, en tout cas ceux qui sont impliqués dans la délivrance des permis d’importation (surtout les responsables CITES), de nous aider à promouvoir davantage ce commerce durable. Ce qu’il faut savoir aussi c’est que dès qu’une espèce est inscrite à l’Annexe II de la CITES, pour les marchés c’est déjà un signal très négatif, surtout pour les espèces exploitées, parce qu’on fait face à toutes ces difficultés et blocages.
C’est un signal négatif, disais-je, parce qu’elle perd environ 25% de sa valeur. Etant donné qu’on a une tendance d’inscription progressive des espèces, ce qui se passe c’est qu’on va continuer davantage à réduire la valeur des forêts. Il ne faut pas se tromper : si on réduit drastiquement la valeur des forêts et qu’elles contribuent de moins en moins à l’économie des pays de la sous-région, elles seront davantage vulnérables, même à des changements des types d’utilisation.
Face à ces exigences rigoureuses, faut-il craindre des risques de conversion des forêts à d’autres fins ?
Il faut savoir que si un pays se retrouve confronté à des difficultés de valorisation de ses forêts, il y a d’autres mécanismes qui existent. Il y a la transformation en plantations. Ça peut être des palmeraies ou d’autres types de transformation. Donc, c’est un plaidoyer qu’on aimerait porter à, l’endroit des instances dirigeantes à travers le monde, surtout au niveau du Secrétariat CITES pour qu’on prenne à-bras-le-corps cette question.
Quand les pays mettent en place des mesures/dispositifs (on a aujourd’hui des ACNP qui sont produits, des méthodes assez robustes, des dispositifs de recherche) qui permettent d’obtenir des données, il faudrait qu’à un moment donné, il y ait une compréhension de ce discours, pour qu’on puisse continuer à promouvoir ce commerce durable, légal et traçable au travers d’un ensemble d’outils qui ont été mis en place par les pays de la sous-région.

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