[Vitrine du Cameroun] – Des ministres de la République se disputent la ”haine” comme sujet de travail, alors que c’est eux-mêmes, leurs actes et leur propre système qui sont le carburant de la haine. Chaque ministre s’isole avec ”sa” haine, pendant que la vrai haine court les rues. Chaque ministre cherche ”sa” haine à combattre, alors que la vrai haine continue de priver les Camerounais d’eau potable, de passeport, de CNI, de liberté, de nourriture, de salaire, de routes bitumées, d’écoles, d’hôpitaux etc.
Le Cameroun est un molusque institutionnel..!
Le système gouvernemental Camerounais affiche tous les signes d’une molusquerie administrative. L’exercice du pouvoir a été intentionnellement ramolli à ses extrémités pour être renforcé, solidifié et cristallisé en son noyau qui se réduit en l’Homme Providentiel, locataire du palais d’Etoudi. Et dans l’antre des trois (3) pouvoirs, l’on peut aisément constater que le Pouvoir législatif et le Pouvoir judiciaire ont été vidés de toute leur substance. Notamment de leur capacité d’autosaisine, proposition de loi et commissions d’enquêtes parlementaires (pour le Parlement); autoappréciation et autosaisine du procureur de la République (pour le Judiciaire).
Cet état de fait déteint désormais sur le travail gouvernemental qui lui-même est négativement impacté, non seulement par les appellations ministérielles (noms de ministères) vaseuses, mais surtout par de nombreux conflits d’attributions.
La compétence de la répression des discours de haine…!
Pour ce qui est du cas singulier de la répression des discours de haine, le pouvoir en place semble être rattrapé par ses propres turpitudes. Des chefs de départements ministériels apparaissent rivaliser inconsciemment ou consciemment sur la réponse gouvernementale à administrer à la distillation de la haine. Entre la Commission Nationale du Bilinguisme et du Multiculturalisme (CNBM) dont on se pose encore la question de la pertinence, le ministère de l’Administration territoriale (MINAT) en charge du maintien de l’ordre public qui a commis un communiqué assez ”dissuasif”, et le Secrétariat d’État à la défense (SED) qui, par un message-fax, mobilise ses services de Gendarmerie pour la traque des ”haineux”, l’on en est à se demander: quelle est la structure qui est réellement compétente sur cette question? Ou pour faire plus souple, quelle est la structure qui devrait être en première ligne dans ce combat ?
Entre démission de l’État… et désarticulation de l’action publique…!
Le ramollissement des institutions a abouti non seulement à une démission de l’État, mais surtout à l’ouverture de nombreux interstices dans l’articulation du travail gouvernemental.
Pour ce qui est de la démission de l’État, le fait d’avoir ramolli les institutions a provoqué et imposé au système le renforcement du pouvoir des individus ou des tenanciers du pouvoir. Désormais, l’efficacité de l’action administrative n’est plus le résultat d’une mobilisation collective des ressources humaines et des instruments légaux dans une structure, mais plutôt le fait de la puissance ou de la capacité d’influence et d’entrisme politique de l’individu aux commandes. Ce constat peut être aisément opéré à tous les niveaux de l’échelle structurelle et institutionnelle de la machine étatique. En périphérie comme en plein centre de décision.
Entre conflits d’attributions…et licence de mal faire…!
La conséquence immédiate est qu’il se multiplie de plus en plus des conflits d’attributions, des conflits de compétences et des animosités entre membres du gouvernement ou responsables des structures. Un ministre est plus ” fort ” ou plus ” puissant ” que les autres, alors ils dictent impunément sa loi et agit licencieusement au-delà de ses compétences et des attributions de la structure dont il a la charge. La situation est davantage aggravée, s’il est établi qu’il entretiendrait des relations privilégiées avec le Prince. L’on a par exemple assisté entre 2013 et 2015 à l’arrestation des autorités administratives en fonction ( Sous-préfets et adjoint préfectoraux) sans consultation du Minat encore moins, sans autorisation, ni du Premier Ministre de l’époque encore moins de la Présidence de la République. Le feu ministre BAPES BAPES Louis en a d’ailleurs fait les frais dans la même période.
Entre État constitutionnel…et État individualisé…!!!
En ouvrant des interstices dans l’action gouvernementale, le ramollissement des institutions a rendu possible la création et l’installation durable d’un gangstérisme administratif. Du fait de la faiblesse des institutions et du renforcement du pouvoir nominal des individus gouvernants, des engeances de receleurs et de spéculateurs du pouvoir de l’État ont trouvé lieux et occasions de prospérité. Par cette réalité, il existe désormais comme un dédoublement institutionnel et parallèle de l’État. Il y a comme une cohabitation savamment entretenue entre un État constitutionnel dont les structures sont vidées de toute pertinence, mais qui sert de couverture et de légitimation à un État individualisé dont les acteurs qui l’incarnent sont plus puissants que le Westphalien.
L’exemple le plus probant serait donc pris de cette situation de lutte gouvernementale désorganisée contre la propagation des discours de haine.
Un prétexte de militarisation de la vie nationale…?
D’où vient-il que le Secrétariat d’État à la Gendarmerie, structure de ”silence” et d’exécution par excellence, se retrouve plus incisif et plus dissuasif sur cette question ? La Justice militaire est sous la coordination du Ministre délégué à la Défense et non du SED. Bien plus, la structuration administratrice du SED ne lui permet pas d’agir dans la sphère civile sans l’aval des ordonnanciers de terrain que sont les autorités administratives et les autorités judiciaires (procureur et juge). Il y a donc comme un risque ou un début de militarisation de la vie civile en particulier et du Cameroun en général. À quoi sert donc le Conseil National de la Communication (CNC), l’Agence Nationale des Technologies de l’information et de la Communication (ANTIC), le Sous-préfet et le Préfet, le Procureur du TPI/TGI, si l’on peut convoquer un journaliste ou un leader d’opinion pour un mot « déplacé » sur un plateau de média ou sur un mur de réseau social?
Le système actuel donne l’impression d’avoir été rattrapé par sa propre stratégie d’affaiblissement des institutions au profit des individus à la solde d’un seul. À présent que ces individus se retrouvent en situation de décote sociale profonde, il s’installe des travers institutionnels qui exposent des risques de dérapage structurels. Le long délitement des institutions étatiques dans la mobilisation de l’action publique a achevé de déformer l’exercice de la puissance publique et de délégitimer ses ressorts. Il y a donc comme une sorte de dislocation du bloc gouvernant et du bloc populaire qui aurait laissé s’installer entre les deux(2) une défiance insolente et une indifférence irrévérencieuse, issue de l’abandon insensible des gouvernants.
Une question d’ordre public…!
Faut-il encore le rappeler, la lutte contre les discours de haine, est une question d’ordre public (notamment l’ordre public social) selon la Loi n° 90-54 du 19 décembre 1990. Elle relève donc au premier chef, au sein du pouvoir exécutif, de la compétence du ministère de l’Administration territoriale. C’est ce département ministériel qui, avec ses structures préfectorales, est supposée mobiliser en coordination, la mécanique des Officiers de Police Judiciaires de la Gendarmerie nationale et de la Police Nationale pour ratisser les cas et les reverser au pouvoir judiciaire. Mais comprend-on cela de cette façon de ce côté ? Ou du moins, a-t-on les capacités et les aptitudes suffisantes pour le comprendre et l’appliquer de de côté ? En tout cas, le pouvoir semble avoir horreur du vide.
La ganstérisation de la justice…!
S’agissant justement du Pouvoir judiciaire, TOUT Procureur de la République peut, d’ordre public, s’autosaisir sur ce type d’infraction, en vertu de l’article 241 du Code Pénal Camerounais. Là encore, il y a un problème qui existe depuis un certain temps. Il est d’ailleurs beaucoup plus visible depuis la découverte macabre du 22 janvier 2023 de la dépouille mutilée du journaliste Martinez Zogo. Cet épisode qui n’est d’ailleurs pas encore soldé, a mis à nu une Justice plus qu’aux ordres, matée, gangrenée et gangstérisée. En l’état actuel de l’establishment du ministère en charge de la Justice, toute donne à croire qu’aucun Procureur ne peut se donner une quelconque liberté d’autosaisine pour ce cas ou pour un tout autre.
Un combat voué à l’échec…!
Ce combat institutionnel contre la haine est donc en apparence voué à l’échec pour plusieurs raisons additives :
– le problème de coordination : si les ministres ”forts” ne s’entendent ni ne se parlent pas, qui fera quoi durablement et efficacement ? Au risque de militariser cette lutte, si l’on convoque et convainc un ”haineux” au SED (reconnu proche du camp adverse), avec les ”procureurs de qui” va-t-on le condamner? Et dans les ”prisons de qui” va-t-on le garder? En langage facile, le SED n’est pas dans son rôle pour le cas de cette lutte.
– le problème de superficialité : le discours de haine n’est que le résultat apparent d’un malaise social profond. Il s’abreuve dans les injustices quotidiennes et décennales ignorées et parfois animées par le pouvoir en place lui-même. Il trouve sa source dans la longévité stérile du pouvoir en place qui étouffe le Peuple assoiffé d’un changement qui semble ne pas préoccuper l’ordre gouvernant. Il prend racines dans la tolérance administrative qui s’est muée en libertinage généralisé où, selon le Professeur MONO NDJANA, on a ”écarté la norme” et ”normalisé l’écart”.
– des soupçons de règlement de comptes : Pourquoi le SED vient-il supplanter le MINAT et le MINJUSTICE sur une INFRACTION ”NON MILITAIRE” et sans collaboration avec les structures concernées au premier chef? Une mauvaise impression se dégage. C’est celle d’un fond de règlement de comptes sur certains activistes, leaders d’opinions ou tous autres acteurs indociles ou alors proches de certains adversaires politiques.
Le retour d’acenseur après 41 ans…!
En un mot comme en mille, à travers cette mauvaise chasse perverse à la haine, le pouvoir en place semble être rattrapé par ses propres élans négatifs sur le destin commun de la Nation. Il ressent comme la construction lente d’un mauvais retour de l’ascenseur qui lui aura permis jusqu’à ce jour de se hisser et se maintenir sur le toit des injustices, des douleurs et du retard de développement dont souffre le Cameroun. Juste pour ses honneurs indus. Juste pour ses privilèges honteux. Simplement pour l’entretien de son obésité de pouvoir obsessionnel et maladif.
Par BESSALA Valère Bertrand,
Administrateur Civil.
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