(Vitrine du Cameroun] – L’université de Dschang au Cameriun vient d’être auréolée d’une distinction internationale, suite au premier prix remporté par le Dr Marie Mvu Nguofeyuom Njoya le 4 octobre 2024, dans la catégorie des thèses de Doctorat. C’était à l’occasion de la deuxième édition du « Prix d’excellence NELGA des meilleurs mémoires de Master et thèses de Doctoral sur la Gouvernance foncière », dont les résultats ont été proclamés au siège du bureau national de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), à Yaoundé.
Le choix porté sur l’universitaire géo-ruraliste est consécutif à sa thèse de doctorat intitulée : « Les conflits agro-pastoraux en périphérie nord du Parc national du Mbam et Djerem : contextes, acteurs et issues (Adamaoua-Cameroun). Ladite thèse a été soutenue le 30 mars 2021 au sein de l’auditorium Joseph Fondjo de l’université de Dschang. Selon les informations communiquées par l’université de Dschang, le travail de géographie a été préparé sous l’encadrement du Pr. Maurice Tsalefac, ancien doyen de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’UDs, décédé le 18 avril 2021. Le Pr. Jean Louis Dongmo, décédé le 28 octobre 2021, était le président du jury », apprend-on.
Pour son sacre, Dr. Marie Mvu Nguofeyuom Njoya (48 ans) reçoit une valeur de 600 000 F.CFA. Il faut relever qu’après avoir été recrutée comme enseignante-chercheure en 2011 au grade d’Assistant à l’université de Ngaoundéré, elle a été transférée à l’université de Dschang au mois de mai 2024 dans le grade de Chargé de Cours. Dans le classement, elle devance Nestor Sohbe Djidim qui a soutenu sa thèse de géographie à l’université de Maroua. La troisième place revient à Grégoire Manga Tsoungui qui a postulé avec une thèse de droit public, soutenue à l’université de Douala et portant sur les expropriations foncières pour cause d’utilité publique au Cameroun.
La compétition s’adresse aux chercheurs travaillant sur les questions de gouvernance foncière, quelle que soit la discipline. Il est organisé par la branche Afrique centrale du Network of Excellence on Land Governance in Africa (NELGA).
Le réseau d’universités et de chercheurs coordonné par le Pr. Paul Tchawa (chef de département de Géographie à l’université de Yaoundé 1 par ailleurs secrétaire général du ministère en charge de l’Environnement, Minepded, ndlr), se focalise en particulier sur la gouvernance foncière. La première édition a été remportée le 17 juin 2022 par le Dr. Fabrice Kengne, enseignant-chercheur de droit privé à l’université de Dschang. Sa thèse porte sur : « Législations forestières et sécurisation des droits fonciers : Cas du Cameroun et du Gabon ». La soutenance s’est tenue le 29 janvier 2020 à l’auditorium Joseph Fondjo. Pour la deuxième fois consécutive, l’université de Dschang règne donc sur cette compétition dans la catégorie « Thèses de Doctorat ».
Compétition entre acteurs pour l’accès aux ressources agropastorales, une problématique d’actualité
Revenant sur la pertinence de sa thèse de Doctorat, la lauréate, Dr. Marie Mvu Nguofeyuom Njoya, explique le sujet « pose un problème de compétition entre acteurs pour l’accès aux ressources agropastorales à la périphérie d’une aire protégée, à savoir le parc national du Mbam et Djerem. En effet, au début du XIXe jusqu’au XXe siècle, la région du Mbam et Djerem était considérée comme un bassin de production et d’approvisionnement par excellence en ressources renouvelables ». « Avec l’avènement du Parc National du Mbam et Djerem le 06 janvier 2000, l’espace agro-sylvo-pastoral jadis occupé et exploité par les peuples riverains est désormais consacré à la protection de la nature. Les riverains doivent désormais exercer leurs activités de subsistance hors des limites du parc, sur un espace réduit où se côtoient et s’affrontent diverses stratégies d’accès aux ressources mal connues, à l’origine de plusieurs types de conflits », relate l’universitaire.
« Pour limiter la multiplication des conflits agro-pastoraux en particulier, un zonage a été mis sur pied en 2007 par W.C.S, l’organisme en charge de l’aménagement dudit parc. En 2010, un Plan d’Utilisation et de Gestion des Terres (PUGT) a également été élaboré par le Programme National de Développement Participatif (PNDP). En dépit de la mise en œuvre de tous ces outils de planification locale, leur respect fait véritablement problème lorsqu’on séjourne dans quelques villages de la périphérie nord du parc », poursuit-elle.
Dans la foulée, les plans de délimitation des terres sont à peine considérés et suivis par les populations locales qui ont pourtant participé à leur élaboration. Tandis que certains cultivateurs se déplacent pour s’installer dans la zone agricole délimitée, d’autres refusent de quitter la zone pastorale circonscrite. Il en est de même des éleveurs de bovins qui occupent illégalement les zones agricoles délimitées. « Ces différentes attitudes ont contribué à la transformation de ces espaces agro-sylvo-pastoraux en un champ de bataille où se déploient plusieurs types de conflits dont les plus prononcés sont, d’après les sources juridiques et administratives consultées, les conflits agro-pastoraux. Ces derniers figurent au premier rang avec plus de 95% de plaintes et les éleveurs semblent être les principaux inculpés selon les données d’enquêtes de 2016 », soulève la géo-ruraliste.
Les observations issues de travail de recherche
Le développement de cette problématique a abouti à la question centrale suivante : comment contribuer à la réduction des conflits agro-pastoraux dans la périphérie nord du parc national du Mbam et Djerem ? » Les principaux résultats découlent des objectifs spécifiques de départ. Par rapport au premier objectif, à savoir l’état des ressources agricoles et pastorales, les résultats montrent que les ressources pastorales (zone de pâturage et cours d’eau) diminuent au profit des ressources agricoles (champs) et, les graminées telles que le Setaria sp et le Pennisetum polystachyon ainsi que les feuilles du ligneux Afzelia sp constituent les principales espèces végétales prisées par les bovins autant en saison sèche que pluvieuse.
Concernant le second objectif qui consiste à identifier et caractériser les utilisateurs de ces ressources ainsi que leurs stratégies, les résultats révèlent que ceux qui exploitent ces ressources agricoles et pastorales sont en grande majorité les cultivateurs Gbaya et les éleveurs Peuls. Ils possèdent divers attributs socio-professionnels et ils dépendent totalement du milieu naturel pour leur survie. Ils emploient trois stratégies pour accéder aux ressources agricoles et pastorales : la stratégie foncière qui s’exprime par une pléthore de distributeurs de lopins de terres, la stratégie agricole qui se traduit par la création des champs pièges et la stratégie pastorale qui se manifeste par des modes de surveillances mitigés, des divers pacages nocturnes et des positions géographiques stratégiques occupées par les transhumants non-résidents sur le site d’étude.
Quant au dernier objectif relatif à l’identification et à la caractérisation des conflits, les résultats mettent en évidence une typologie de conflits : le conflit agropastoral qui constitue la rivalité majeure (97,1%) au sein du département du Djerem. Quatre autres types de conflits agro-pastoraux ont été recensés dans les villages test : le conflit éleveur contre cultivateurconstitue à 100% le principal litige qui fait des ravages en saison de pluies dans les champs de manioc. Le second qui oppose les éleveurs résidents des éleveurs non-résidents à propos des ressources pastorales prédomine en saison sèche avec plus de 54,5%. Le troisième type de conflit (22,8%) est une réaction des cultivateurs face à la destruction de leurs champs par le bétail. Le dernier antagonisme oppose les éleveurs contre le personnel du parc au sujet des pâturages de saison sèche qui, sont disputés de l’intérieur du parc vers sa périphérie nord.
Pour la réduction de ces différents conflits agro-pastoraux, les parties en conflit proposent : la surveillance du bétail, la construction des clôtures autour des champs, l’allègement des répressions, le respect des lois et l’adoption généralisée de la culture des plantes fourragères. Cependant, ces différentes solutions doivent faire l’objet des cas pratiques futurs en vue de l’évaluation de leur efficacité.
La production de cette thèse et la publication de deux articles lui ont permis de passer du grade d’assistant à celui de chargé de cours. « Ce succès, je le dois en premier, au Dieu Tout Puissant qui m’a tenu par la main durant des années afin que ce travail arrive à son terme. Je dois également ce succès à mon cher et tendre époux Dr. André Njoya qui, connaissant les exigences de la thèse en termes de temps et de concentration, a pris sur lui, au moment opportun, la garde des enfants pour me permettre d’achever ce travail. Je suis également redevable à mon encadreur, le Pr Maurice Tsalefac, de regretté mémoire, qui, malgré ses multiples tâches, ne s’était jamais lassé de s’investir dans la réussite de ce chef d’œuvre. Il en de même de mon président du jury, le Pr Jean Louis Dongmo, de regretté mémoire », souligne l’universitaire. « Je pense également à mes parents, mon parrain et son épouse, à tous mes amis, frères et sœurs de la famille biologique et spirituelle, qui se sont toujours unis dans la prière pour que cette thèse arrive à maturité et soit soutenue. Un grand merci à tous les collègues dans leurs rangs et grades respectifs qu’ils soient de Ngaoundéré, de Maroua, de Douala ou de Dschang, au chercheur émérite Jean Boutrais de l’IRD, au Pr Guillaume Giroir de l’université d’Orléans, au directeur du projet Mbam et Djerem, l’ingénieur Bernard Fosso Bernard et son personnel. Un gros merci à toutes les autorités administratives, traditionnelles et communautés riveraines rencontrées dans notre zone d’étude (arrondissements de Tibati et de Ngaoundal) », ajoute notre interlocutrice.
La lauréate rend aussi hommage à l’équipe du programme NELGA en général et NELGA Afrique centrale en particulier qui, après avoir procédé à une évaluation basée sur des critères scientifiques objectifs, ont à l’unanimité choisi sa thèse de doctorat comme la meilleure pour l’année 2024, dans le domaine de la gouvernance foncière. « A travers cette nouvelle plateforme de coopération, mes résultats de recherche sont désormais valorisés et vulgarisés à l’échelle internationale », indique-t-elle. En perspective, les axes de recherche du Dr. Marie Mvu Nguofeyuom Njoya portent sur l’étude des conflits d’exploitation des ressources renouvelables dans le parc et sa périphérie sud, le rôle des femmes dans les conflits agropastoraux à la périphérie nord du parc. Elle compte également s’attarder sur un autre axe intégrant les changements climatiques, c’est-à-dire examiner comment les conflits peuvent s’exacerber dans un contexte de variabilité climatique.
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