[Vitrine du Cameroun] – La Société camerounaise de Palmeraies (Socapalm) est au coeur d’un conflit foncier avec les populations de quatre villages du département de la Sanaga Maritime (Koukoué, Apouh, Ongue et Dehane), où les plantations industrielles de l’entreprise établies sur des milliers d’hectares, privent les populations rurales d’un espace vital incontournable pour leur survie.
Le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) a mené une étude de terrain dans les villages Apouh à Ngog, Déhane, Ongué et Koukoué, situés près des plantations de la Société camerounaise de Palmeraies (Socapalm) à Edéa. Ce rapport, publié en septembre 2024 et qui détaille les multiples abus auxquels sont confrontées ces communautés, a été présenté aux journalistes au cours d’une conférence de presse qui s’est tenue ce mercredi 13 novembre 2024 à l’hôtel La Falaise de Yaoundé. Aux côtés des responsables du RADD et de l’ONG Greenpeace Africa, les représentants des localités concernés par l’expropriation querellée, sont venus exprimer leur ras-le-bol face à cette situation.
Les femmes à la merci de profiteurs
Avant l’installation de la Socapalm, 98,31 % des habitants décrivaient leur vie comme « bonne » ou « passable », appréciant un accès aux ressources naturelles et un environnement sain. Depuis, la situation s’est transformée : l’accès à l’espace vital est limité, la déforestation est massive, et les rivières locales sont polluées par les produits chimiques utilisés dans les plantations, ce qui prive les habitants de toute possibilité de pêche en plus de l’épineux problème de l’accès aux terres cultivables.
“A Apouh, nous n’avons plus d’espace pour cultiver, nous achetons tout : le riz, le plantain, le macabo etc. Avant que la Socapalm ne s’installe chez nous, nous avions des champs, aujourd’hui il n’y a plus rien”, déclare Félicité Ngon Bissou, la présidente de l’Association des femmes riveraines d’Edea à la presse.
A la rareté des terres agricoles, s’ajoutent les violences et les abus sexuels dont sont notamment victimes les femmes, lorsqu’elles tentent de cueillir des noix de palme provenant des plantations de la Socapalm. Selon Félicité, de nombreuses femmes de son village sont obligées de se laisser abuser par les gardiens de la structure agro industrielle pour pouvoir obtenir des noix de palme et nourrir leur maisonnée.
Les difficultés de transport sont également à déplorer. Entourés par les plantations, les riverains doivent parcourir de longues distances et payer des frais élevés pour se déplacer. De même, souligne les porte-parole des populations locales, l’éducation des jeunes a considérablement baissé dans ces zones en raison de toutes les difficultés nées de l’installation de la Socapalm dans leurs villages. Pour ceux qui font le choix de travailler pour cette entreprise, les conditions de travail sont déplorables, sans équipements de protection adéquats. Le droit à la santé est quasi inexistant : les villageois se voient interdire l’accès aux hôpitaux de l’entreprise et sont souvent contraints de recourir aux médicaments vendus dans la rue ou à se déplacer jusqu’à Edéa ville pour des soins plus appropriés.
Données et chiffres clés : les abus de la Socapalm en chiffres
A en croire l’étude menée par le Réseau des Acteurs du Développement Durable (RADD) auprès des villages Apouh à Ngog, Dehane, Ongué et Koukoué, la Socapalm détient une concession de 58 063 hectares, dont 32 433 hectares sont destinés à l’extraction de l’huile de palme. Bien que son chiffre d’affaires tourne autour de 117 658 559 euros (soit environ 77 milliards FCFA), les riverains ne bénéficient d’aucune retombée issue de ces activités économiques rentables.
Les données issues de 141 entretiens menés entre le 15 et le 18 mai 2024 montrent une dégradation alarmante des conditions de vie dans ces communautés depuis l’installation de la Socapalm. Avant l’arrivée de l’entreprise, 98,31 % des habitants jugeaient leur qualité de vie “bonne” ou “passable”. Depuis son installation, 98 % des riverains considèrent leur situation “mauvaise” ou “très mauvaise”, et 95,35 % pensent que les plantations sont globalement négatives sur leur communauté.
Par ailleurs, l’étude expose une profonde atteinte aux droits fondamentaux et un accès limité aux ressources essentielles. A titre d’exemple, 95 % des personnes interrogées estiment que leur droit à la santé est compromis par un manque d’infrastructures médicales. De même, la présence intrusive des plantations et le manque de moyens financiers empêchent 91 % des habitants d’accéder à des logements adéquats. L’aspect environnemental n’est pas en reste : 98 % des riverains dénoncent la pollution de leur environnement, tandis que 80 % estiment que la biodiversité est menacée.
La vérité cartographiée
Ces chiffres non exhaustifs sont autant de preuves des conséquences graves et multiples que les activités de la Socapalm font peser sur les droits humains, la santé, l’environnement et les moyens de subsistance des communautés riveraines. Pour Marie Crescence Ngobe, Secrétaire exécutive du RDD, l’étude a atteint l’objectif escompté, celui de cartographier et montrer à la face du monde, comment l’exploitation industrielle et capitalistes des terres, a laissé croupir les villageois dans la précarité.
“Notre intérêt a été de démontrer de manière scientifique, les difficultés que les riverains et surtout les riverains, connaissent autour de la Socapalm. Nous y travaillons depuis 8 ans et nous avons engagé des procédures pour qu’elles soient entendues. Malheureusement elles ne sont pas entendues. Nous nous sommes donc dit : fallait-il démontrer sur une carte, la nécessité de leur céder des espaces vitaux, parce que quand vous arrivez sur le terrain, il n’y a pas d’espace. Les palmiers à huile commencent derrière les cases. Et lorsque tu es une femme rurale et que tu n’as pas d’espace cultivable, comment tu peux vivre?”, interroge Mme Ngobe.
En cas de refus de la Socapalm d’octroyer un espace vital aux riverains en dépit des revendications de plus en plus poussées, Bedime Bedime, le représentant du chef du village Koukoue a fait part de la volonté des populations concernées par cette vaste expropriation, de saisir très prochainement le tribunal administratif pour tenter d’obtenir gain de cause par des moyens judiciaires.
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