Grâce à Samuel Eto’o, j’ai découvert que les Camerounais sont soudainement devenus des révolutionnaires. Ils l’accusent de soutenir Paul Biya, alors que si l’on compte sur les doigts de la main, très peu de Camerounais ont réellement risqué leur vie pour renverser le régime en place durant ces 42 années.
Pendant tout ce temps, la majorité s’est adaptée, disant qu’ils voulaient voir leurs enfants grandir, et, d’une manière ou d’une autre, ont soutenu le système Biya, parfois en profitant d’un parent ou d’un ami bien placé.
Après avoir, comme tout le monde, été pris dans la « Matrix Biya » — qu’ils soient fonctionnaires, hommes d’affaires, ou politiciens — les Camerounais se réveillent, 42 ans plus tard, pour accuser Eto’o de soutenir ce régime.
Eto’o, qui n’a pas vécu au Cameroun pendant plus de 25 ans et n’a donc eu aucun rôle direct dans la gestion du pays, devient pourtant la cible. Voilà que, tout à coup, à cause du soutien d’Eto’o à Biya, les Camerounais se transforment en révolutionnaires, l’accusant de trahir une cause « révolutionnaire. »
Mais il faut comprendre que les Camerounais ont redéfini la révolution à leur façon, bien loin du modèle de Karl Marx. En effet, le Camerounais, en tant qu’affairiste et commerçant, opportuniste, imagine une révolution sans casse, par crainte de voir ses petits commerces détruits, de perdre ses marchés publics (ces fameux « 4/9 » accordés par les ministres de Biya aux petits entrepreneurs), ou encore de ne plus percevoir son salaire de fonctionnaire. C’est ainsi que naît un modèle de révolution inédit : le « business as usual revolution» une révolution où on ne change rien vraiment, tout en espérant un renversement du régime et changer le pays.
Si le Camerounais croit en l’élection présidentielle, c’est pour poursuivre ses « business as usual ». Mais dans un pays qui n’a jamais choisi son président, où le même homme est au pouvoir depuis 42 ans et où le système électoral est verrouillé, cette croyance est naïve. En vérité, le Camerounais ne croit pas vraiment, mais s’invente un modèle qui lui convient et n’existe nulle part, malgré son improbabilité. L’espoir fait vivre, dit-on.
Le révolutionnaire camerounais d’aujourd’hui, capitaliste dans l’âme, ne veut rien sacrifier. Il consomme boit sa bière, regarde canal plus, entreprend ses petits business, et refuse de reconnaître l’impasse dans laquelle il se trouve. Attiré par la télévision et le système capitaliste-médiatique du football mondial, il est séduit par les célébrités comme Eto’o, devenues des produits à vendre pour des multinationales. Ici, il est évident que nous sommes loin du marxisme et de la lutte entre bourgeoisie et prolétariat.
Et c’est là qu’Eto’o intervient. En tant que footballeur, il a parfaitement rempli son rôle dans cette machine capitaliste, devenant une figure qui fascine les masses, pas seulement en Afrique. Aujourd’hui, le rêve de nombreux Africains est de se vendre à cette machine du capitalisme mondial de la consommation, non seulement dans le football, mais dans de nombreux domaines. On vend son corps et sa force de travail, comme à l’époque de l’esclavage, sauf qu’à présent, on est payé, et le talent est mis en avant.
Quand Eto’o entre sur la scène camerounaise en devenant président de la Fédération Camerounaise de Football, les soi-disant révolutionnaires espèrent qu’il accomplira la véritable révolution qu’ils ont, eux, abandonnée face à Biya. Mais en réalité, si vous êtes vraiment révolutionnaire et comprenez ce qui est en jeu, vous ne devriez même pas connaître Eto’o. Un révolutionnaire ne regarde pas la télé, il boycotte le football, désormais une immense machine capitaliste où, malgré les salaires payés aux joueurs africains, l’Afrique reste en bas de la pyramide.
Par Jean Pierre Bekolo
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