[Vitrine du Cameroun] – Le 5 septembre 2024, Suzanne Mogue Kamga, post-doctorante, a effectué une visite de terrain au Port autonome de Douala (PAD), notamment au niveau de la Douane.
L’exercice était loin d’être fortuit. « Le but était de voir les impacts qu’a eue l’inscription des espèces à l’annexe II de la CITES sur les revenus que l’Etat peut avoir. Est-ce qu’au port on a toujours autant de Padouk ou d’Afzelia qui sortent ? Si non pourquoi ? Si oui, à quelles conditions ? », a indiqué la chercheure. Suzanne Mogue Kamga travaille en effet dans le cadre du programme d’appui à la recherche appliquée en écologie et en sciences sociales en vue de renforcer l’impact de cette recherche sur la gestion durable des écosystèmes forestiers d’Afrique centrale, autrement dénommé RESSAC.
Ledit programme est financé par l’Union européenne et mis en œuvre par le Centre de recherche forestière internationale (CIFOR) et le Centre international pour la recherche en agroforesterie (ICRAF), pour la période 2022-2025.
Mme Mogue Kamga travaille pour sa part sur les impacts des mises en annexe sur le tissu économique et social, en partenariat avec la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) et l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT) Cameroun. « Le projet RESAC vise à utiliser la recherche pour la conservation des différentes espèces de bois qui sont exploitées en Afrique centrale. Dans le cadre de mon projet, il est question de voir dans quelle mesure la règlementation CITES affecte l’exploitation des espèces citées en annexe II au Cameroun », décline la chercheure.
In fine, l’objectif est de s’assurer que l’exploitation de ces différents arbres ou animaux est faite de manière durable. « On veut s’assurer que si par exemple on est en train d’exporter une certaine espèce, il ne faut qu’elle disparaisse des forêts dans notre contexte. On veut s’assurer qu’à côté des quantités qui sont prélevées dans la forêt, il y en a qui vont rester pour les générations futures », martèle Mme Mogue Kamga.
Les activités prévues portent sur la revue des différents permis et des conditions requises pour exploiter les espèces citées dans l’annexe II de la CITES (qui ne veut pas dire interdiction de commercialisation, mais un suivi du commerce pour se rassurer que tout se passe dans une logique de durabilité, de traçabilité et de légalité, ndlr) et d’autres conditions à remplir avant d’exploiter ces espèces. « C’est le cas par exemple d’un permis CITES pour exportation ou pour importation. Du coup, on va donc évaluer les coûts supplémentaires pour exporter ces espèces. La démarche va nous permettre de savoir s’il y a un effet négatif, positif ou pas dû au fait qu’on ait cité ces espèces dans l’annexe II. On va essayer par exemple de comparer les volumes de bois de ces espèces exportées avant 2002 et voir ce qui se passe actuellement, pour évaluer la situation entre 2003 et 2024 », renseigne notre interlocutrice.
Hypothèse de base : les effets de la règlementation CITES sur les exportations
Suzanne Mogue Kamga se base sur l’hypothèse que la règlementation CITES a un effet négatif sur les exportations, c’est-à-dire diminue la quantité de bois exportée pour ces espèces. Son étude va chercher à voir comment les pays réagissent en fonction de cela : Est-ce qu’ils vont chercher d’autres espèces pour commencer à exploiter ? Est-ce qu’ils vont poursuivre l’exploitation de ces espèces citées dans l’annexe II de la CITES ? C’est ce que l’étude va permettre de voir. « On est parti sur la base de ce que jusqu’ici, l’exploitation des espèces des arbres se passait normalement. Mais, les pays importateurs se soucient du fait que ces espèces qu’ils sont en train d’importer sont acquises d’une source durable. C’est de là qu’est née la CITES et le fait de s’assurer que la commercialisation de ces espèces de bois est faite de manière durable », indique la chercheure. « Ce qui fait que pour certaines espèces, on se rend compte que les populations sont en train de diminuer en forêt. Du coup, on les a classé en annexe II. Et avant de les exploiter, il faut produire un document qui montre qu’il y a encore telle quantité de bois à exploiter et que ça ne va pas affecter les quantités qui seront produites dans le futur », poursuit-elle.
En termes d’activités phares menées dans le cadre de ce projet (d’une durée de deux ans : 2023-2025) qui a effectivement commencé en mars dernier, Mme Mogue Kamga s’attèle en ce moment à identifier les différents acteurs, dont les exploitants forestiers qui traitent avec ces différents bois pour voir à quel niveau ils se situent, le lieu où le projet est censé se réaliser soit au Cameroun et au Gabon. « On identifie les différents exploitants forestiers qui ont les permis d’exportation en cours et on essaie de finaliser la liste. Avec cette liste, on essaie aussi de faire un revue de la littérature, de voir quels sont les volumes de bois produits par le passé, le niveau de production, d’exportation. Ceci est en train d’être géré avec la Douane, les Archives entre autres », fait observer la scientifique.
Les questions sociales au rang des préoccupations
Son équipe prépare également des questionnaires pour les enquêtes. Les personnes cibles se recrutent notamment parmi les responsables du ministère des Forêts et de la Faune (Minfof), les sociétés privées, les associations spécialisées sur les questions sociales. Le questionnaire à adresser va permettre de détecter les effets de la règlementation. « On peut poser des questions du genre: est-ce que vous avez constaté que la quantité de bois envoyée en 2023 a changé par rapport à ce qui a été envoyée en 2020 par exemple ? Les responsables du Minfof pourront nous donner ce genre d’informations qui indiquent déjà un certain changement », explique Mogue Kamga. Les questions sociales seront aussi adressées, pour voir dans quelle mesure la règlementation CITES affecte la vie sociale des différents acteurs. « Par exemple, il est mentionné que dans le passé, les grandes sociétés de bois construisaient des hôpitaux, des écoles, etc. On verra si elles ont diminué leur apport financier pour les projets, comme les projets d’eau dans les environnements où ces sociétés forestières sont en activité », décline la chercheure.
Il faut noter que les objectifs du programme RESSAC consistent à organiser et soutenir des travaux de recherche appliquée visant à renforcer les connaissances en sciences sociales et en écologie sur les modes de gestion et de valorisation des ressources naturelles dans les écosystèmes forestiers d’Afrique centrale. Il est aussi question de promouvoir l’utilisation de ces connaissances dans les modes opératoires des acteurs ciblés et dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi des politiques publiques et des programmes d’aide au développement durable en Afrique centrale.
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