
[Vitrine du Cameroun] – Au cours de la conférence de presse organisée le 18 mars 2025 à Yaoundé, le ReCTrad, WRI et le CED ont martelé le rôle phare des chefs traditionnels, comme gardiens des forêts et leur implication dans la préservation de ces zones clés de biodiversité.
Malgré les dénonciations effectuées par le Centre pour l’Environnement et le Développement (CED) au sujet des cas avérés d’exploitation forestière illégale dans le département du Mbam-et-Kim (région du Centre) et à Messamena dans la région de l’Est, les activités se poursuivent. Même si le CED reconnaît que dans ces hotspots de l’illégalité forestière, l’ampleur n’est plus la même, l’organisation de la société civile alerte cependant sur la nécessité de rester vigilant et de garder un œil attentif sur ces situations.
C’était la raison d’être de la conférence de presse tenue le 18 mars 2025 à Yaoundé, à l’initiative du Réseau des chefs traditionnels d’Afrique pour la gestion durable de la biodiversité et des écosystèmes de forêts (ReCTrad) en partenariat avec le World Resources Institute (WRI). L’objectif affiché était d’alerter l’opinion publique sur la situation alarmante de l’exploitation forestière illégale dans ces deux zones.
Dans le département du Mbam-et-Kim, l’on va apprendre que les forêts (d’une richesse écologique et culturelle inestimable) sont ravagées par des réseaux criminels organisés. Ce qui entraîne des conséquences désastreuses pour l’environnement, l’économie et les communautés locales. Suite à ces constats, un atelier d’échanges et de réflexion sur l’amélioration de la chaîne de légalité des produits forestiers ligneux et non-ligneux a été organisé à Ntui le 13 juin 2024, regroupant tous les acteurs. Il en ressortait qu’en presque 20 ans, le Mbam-et-Kim et le Mbam-et-Inoubou ont perdu respectivement 92 939,3 et 24 654,7 hectares.
Dans l’arrondissement de Messamena, il est question de tirer la sonnette d’alarme sur l’exploitation forestière illégale, avec la présence de réseaux criminels organisés qui font peser sur les forêts d’une valeur écologique et culturelle inestimable des pressions. Et dont les conséquences sont désastreuses pour l’environnement, l’économie locale et les communautés, fait observer Achille Wankeu, expert forestier et chargé de projets au CED.
L’atelier d’échanges du 26 juillet 2024 à Messamena avait donné le ton pour le renforcement des capacités et du rôle des chefs traditionnels dans la préservation des ressources naturelles. En cette période, le CED avait révélé que les Vietnamiens faisaient la plus et le beau temps dans les forêts, en utilisant les engins lourds et en investissant de gros capitaux pour piller la forêt. Non sans souligner pour s’en étonner l’intensité prise par l’exploitation forestière illégale, alors que seules deux forêts communautaires étaient en activité en 2024, sur 24 présentes dans la zone et couvrant une superficie de 6700 km².
Le Mbam-et-Kim et Messamena, hotspots de l’exploitation forestière illégale
Depuis, il y a une évolution sur le terrain. « En tant qu’autorités traditionnelles, nous sommes fortement frappés par la grande dégradation non seulement des forêts, mais des écosystèmes en elles-mêmes. Et nous constatons qu’au-delà de toutes les richesses qu’on peut avoir en termes de ressources ligneuses et non-ligneuses, aujourd’hui nous pouvons dire que nous n’avons aucune communauté qui se soit développée à partir de l’exploitation forestière », soulève Sa Majesté Bruno Mvondo, président du ReCTrad.
Selon Sa Majesté Emmanuel Mvom Abolo, chef traditionnel de deuxième degré du canton Bikélé-Sud, « il y a une baisse d’intensité en ce moment au niveau de l’exploitation forestière, parce que la forêt elle-même est finie. Il n’y a plus assez de bois en forêt. Pourtant, à Messamena, l’on recensait plus d’une vingtaine d’exploitants. Cependant, il y a ceux qui font dans le bois blanc qui veulent toujours piller. Mais, les chefs se battent pour les refouler ».
La sensibilisation des chefs traditionnels porte ses premiers fruits sur le terrain…
L’implication continue de toutes les parties prenantes est essentielle et capitale pour concrétiser les objectifs ambitieux fixés lors des ateliers de Ntui et Messamena. La continuité de ces actions est primordiale pour assurer un avenir prospère et un futur durable aux forêts de ces deux localités, souligne le ReCTrad.
L’apport des chefs traditionnels est à encourager, étant donné qu’il est un garant de la préservation du couvert forestier. « L’Etat à travers la nouvelle loi forestière nous parle des aires protégées communautaires. Et nous souhaitons davantage que toute autorité traditionnelle, où qu’elle se trouve, qu’on puisse se réunir pour travailler dans la promotion de ces aires protégées. Ce sera le premier pas pour les autorités traditionnelles et nos communautés de contribuer efficacement à la restauration de nos espaces, à la gestion durable de la ressource et surtout à la conservation de notre biodiversité », interpelle Sa Majesté Bruno Mvondo.
Dans la même veine, S.M. Mvom Abolo estime que les interventions du chef traditionnel portent de plus en plus des fruits, même s’ils demeurent maigres. « Les chefs se limitent à dénoncer. Ils dénoncent à tout moment auprès de l’autorité administrative chaque fois qu’il y a une présence étrangère en forêt. Il y a un changement observé ces derniers temps. Certains écrivent même déjà au ministre. Il y a un mois, des saisies ont été effectuées à Messamena, suite aux dénonciations d’un chef. Il a écrit une lettre anonyme et la brigade rouge est descendue sur le terrain, avec à la clé des saisies des voitures, des engins et du carburant en brousse », a-t-il confié lorsque joint au téléphone par notre reporter.
Des contraintes à lever
Toutefois, notre source avoue qu’il y a des contraintes sur le terrain. « Il faut reconnaître qu’au-dessus des chefs, il y a des forces qui font pression. Ce qui fait qu’il manque parfois d’arguments. C’est vrai que certains chefs restent campés sur leurs positions et ne cèdent pas aux pressions, surtout ceux qui sont éveillés et cultivés », déclare pour le déplorer l’autorité traditionnelle. Non sans indiquer que « l’autorité compétente est parfois complice. On ne peut pas entendre une scie sans que les Eaux et Forêts ne soient au courant. Parfois, on voit des contrôles inopinés assortis de saisies de machines, mais deux jours après, les activités reprennent ».
D’où le vœu qu’il formule. « Il est important que les ONG puissent continuer la sensibilisation. (…) Lorsque nous voyons la question de la préservation des forêts sacrées avec les zones réservées, la pauvreté ambiante et l’incivisme des uns et des autres fait peser une menace sur ces espaces. Il faut bien trouver un moyen légal pour les protéger. Il y a des textes et des stratégies que les chefs ne maîtrisent pas. Les experts peuvent nous former et renforcer nos capacités pour qu’on puisse mieux protéger notre patrimoine naturel. L’on pourrait nous expliquer comment exploiter telle zone pour tel but, au profit de la chefferie ou des communautés », poursuit S.M. Mvom Abolo.
Du côté des partenaires, l’enjeu est davantage de susciter une prise de conscience autour de la préservation des forêts. « On veut se rassurer que le bois qui sort du Cameroun a une bonne image, parce qu’il faut que ce bois soit exploité là où il a été autorisé. C’est pour cela que nous donnons l’information sur l’espace où les ressources sont exploitées, pour se rassurer que ce bois soit exploité de la manière dont les forêts peuvent être renouvelées », explique Duclaire Mbouna, coordonnateur national Cameroun de World Resources Institute (WRI).
L’expert ajoute des considérations à prendre en compte. « Il y a des questions de diamètre et autres. Il faut respecter les principes d’aménagement et il faut aussi veiller à ce que ce bois exploité contribue réellement au développement. Il y a la dimension nationale où on paie les taxes au gouvernement, mais aussi la dimension où les communautés riveraines doivent profiter de cette exploitation et réinvestir les fonds issus de l’exploitation pour contribuer au développement local », soutient M. Mbouna.
Appel à l’action et à l’engagement des parties prenantes
Au cours de la conférence de presse de Yaoundé, il a été indiqué que les rapports du CED et du FODER n’ont pas relevé la délivrance de Permis d’exploitation de bois d’œuvre (PEBO) dans le département du Mbam-et-Kim, pour l’approvisionnement du marché domestique tel que celui de Bafia. Il est important pour le MINFOF de travailler à la mise en place du marché intérieur du bois (MIB) dans ce département, précisent les organisateurs de l’activité.
A l’occasion, le CED, le ReCTrad et WRI ont formulé des recommandations allant dans le sens de : renforcer les capacités des chefs traditionnels en matière de gestion forestière durable et de lutte contre l’exploitation illégale, favoriser une collaboration étroite entre les chefs traditionnels, les autorités gouvernementales, les organisations non gouvernementales et les communautés locales pour une gestion forestière concertée, mettre en place des mécanismes de transparence et de redevabilité pour lutter contre la corruption dans le secteur forestier, sensibiliser les communautés locales aux enjeux de la gestion durable des forêts et à leur implication dans la lutte contre l’exploitation illégale et développer des alternatives économiques durables pour les communautés locales afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’exploitation forestière illégale.
L’idée, fait observer Achille Wankeu du CED, est de sensibiliser le public à l’ampleur et aux impacts de l’exploitation forestière illégale et d’appeler à une mobilisation générale pour mettre fin à ce trafic illégal. Pour ce faire, la coopération entre les autorités, les communautés locales et les organisations de la société civile est essentielle. De même, il est impératif de renforcer l’application de la loi et de soutenir les initiatives de développement durable.

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