
[Vitrine du Cameroun] – En choisissant la Guinée équatoriale et notamment le port de Bata au transit de ses marchandises, le Tchad fait le choix d’un long trajet et surtout des coûts d’opportunités logistiques et économiques.
L’accord de cinq ans signés en décembre 2024 est aussi lié au fait que les deux gouvernements veulent renforcer leur coopération bilatérale, mais il ne faut pas oublier que l’ordre de Ndjamena n’est pas en bon terme avec le régime de Yaoundé depuis l’affaire Savana et les droits de transit du pipeline Tchad-Cameroun.
On peut comprendre l’absence du Prince de Ndjamena, que dis-je du Maréchal lors du dernier sommet extraordinaire de la CEMAC du 16 Décembre 2024. Même si on ne le dit pas, on peut interpréter une brouille et boude. La relation Père Deby et Yaoundé et celle actuelle entre fils et Yaoundé prends un coût et ne sera plus la même. C’est évident que la gestion d’un acteur à un autre n’est pas toujours la même.
Connaissant l’homme fort d’Etoudi, l’ordre de Ndjamena doit savoir qu’il n’aime pas la gesticulation juvénile. Bref, il semble avoir plus de penchant avec les acteurs matures. Pour rallier le golfe de Guinée par le port de Bata, le flux routier doit aujourd’hui transiter depuis le Tchad sur des centaines de kilomètres (1500km en moyenne )via le Cameroun par la ville d’Ebibeyin, à la frontière du Cameroun et du Gabon soit environ 04 pays. Il faut se rappeler une nouvelle entente entre Ndjamena et Malabo en Août 2024 sur la question des mercenaires tchadiens soupçonnés dans une tentative de coup d’État. C’est aussi ce qui peut justifier ce nouvel accord.
Les enjeux géoéconomiques, géopolitiques et géostratégiques
Les corridors de transport sont dynamiques. On ne dépend pas d’un pays toute une vie. On peut changer un corridor de transport quand on veut. Toujours est-il que le Tchad dépendra toujours d’une petite portion de route du Cameroun pour cette opération. Ce d’autant plus que le corridor de transport Douala-Bangui-Ndjamena n’a pas les infrastructures routières qu’il mérite pour une route qui va vers les pays de l’hinterland.
Le Tchad fait le choix de payer cher en passant par la Guinée équatoriale si les coûts de tracasseries sont limités par là-bas. On peut questionner notre modèle atypique de gouvernance douanière et des transports. Lorsque des pays ont signé une zone de libre-échange ou une union douanière, le démantèlement des barrières commerciales et entorses au transport le long d’un corridor doivent diminuer.
C’est ce qui fait la maturité d’une intégration au sens des étapes de Bela-Balassa le théoricien des étapes classiques d’une intégration. Ces pesanteurs sont là et le vrai visage de notre intégration est galvaudé alors que nous sortons d’un sommet extraordinaire de la CEMAC le 16 décembre 2024. Eh oui ! L’intégration est fragile et se meurt, les conséquences aussi.
Impact économique et logistique de l’accord de Malabo
-Sur le plan logistique
Le choix du Tchad entrain des coûts logistiques supplémentaires, mais les coûts de tracasseries sont limités. Si le Camion quitte Douala pour Ndjamena et dépense 500.000 FCFA en termes de coût de tracasseries le long du corridor Douala -Bangui-Ndjamena, s’il décide de passer par Bata-Ebibeyen-Ndjamena et que les coûts logistiques et transport en carburant, maintenance, salaire du chauffeur et autres lui coûtent 200.000 de plus sur ses frais logistiques initiaux au lieu de 500000 FCFA de coût de tracasseries, il optimise sa distribution physique de transport des marchandises… avec un différentiel de 300.000. En système logistique, le principe est simple réduire les distances, les coûts de transport et surtout les congestions routières. En passant par Douala-Bangui-Ndjamena, le tronçon Douala passant par Yaoundé-Nkoabang-Bertoua avec les bouchons et l’étroitesse des routes est un calvaire et les délais de livraison sont chers dans un principe d’optimisation logistique
Sur le plan économique
Il faut y voir le nombre d’activités que gêneraient les importateurs tchadiens au port de Douala. Ce sera beaucoup d’emplois directs et indirects qui pourraient être touchés. Il n’y a qu’à voir le nombre d’acteurs de la chaîne logistique portuaire qui sont impliqués dans la chaîne de dédouanement et de transport des marchandises tchadiennes.
On peut citer: les transporteurs routiers, les transitaires, les commissaires agrées en Douane, les assureurs, les dockers, les manutentionnaires, les aconiers, les banques, les entrepôts et autres acteurs privés et publics…Bref, il y aura une perte de Revenus de tous ces acteurs et même une perte du pouvoir d’achat sur le plan macro-économique. Sans oublier les différents achats de ces transporteurs le long du corridor auprès des vendeurs et autres. Quand on sait que chaque achat génère une TVA et donc une fiscalité intérieure qui pourrait régresser.
Aussi, l’achat du carburant de ces transporteurs qui génère des recettes pétrolières, fiscalité pétrolière… Et même les droits de payage et de pesage le long du corridor. En termes de recettes portuaires également, il faut savoir qu’un navire qui accoste dans un port paie un ensemble de droits et taxes comme les redevances de débarquement et d’embarquement…
Les recettes portuaires seront fragilisées puisque le port vit de ces recettes pour faire son budget et réaliser un ensemble d’infrastructures. Aussi, les recettes douanières vont baisser pour l’Etat du Cameroun au regard des marchandises tchadiennes en transit au port de Douala ou de Kribi qui ne pourront plus être dédouanées.
Cette perte totale à environ 350 à 400 milliards de FCFA peut nécessiter des réajustements des lois de finance sur ordonnance du chef de l’État pour un collectif budgétaire sur les 05 prochaines années entrainant ainsi un déficit de recettes douanières et un recours à l’endettement pour combler ce vide et la croissance économique et le PIB seront fragilisés.
Pour un nouvel ordre de la gouvernance douanière et des transports
Pour permettre au Tchad de résoudre ces problèmes logistiques en termes d’optimisation des coûts douaniers et de transport le long du corridor Douala -Bangui-Ndjamena, il faut taper du doigt sur la table. Pour devenir un pays émergent dans la théorie du Big push comme modèle, Singapour avait un régime militaire rigoureux.
Si le Cameroun a opté pour ce modèle du Big push et aspire à devenir émergent, le régime d’Etoudi même s’il n’est pas militaire doit être très sévère pourquoi pas se rapprocher de la dictature de type de la première république. Il faut évacuer le corridor de transit de certains agents douaniers, policiers et gendarmes. C’est normal pour le Tchad que si des contingents extra naissent, on rompt l’accord et on cherche un autre partenaire.
Cela a un coût d’opportunité logistique, mais il faut faire avec. C’est aussi çà le malheur d’être un pays de l’hinterland. Le Cameroun doit s’estimer heureux d’appartenir à un pays du Forthland, mais, il faut sévir et faciliter le transit à ces partenaires, c’est ça l’intégration.
Il faut éviter l’effet contagion avec la RCA. Car, Il y’a urgence que les projets intégrateurs suivent pour développer et assurer la connectivité du transport. On peut avoir plusieurs corridors de transport compétitifs :
-Libreville-Ambam-Bangui-Ndjamena; Pointe Noire-Ouesso-Sangmelima-Bangui-Ndjamena; Malabo-Ebebeying-Bangui-Ndjamena… Et bien d’autres. Tous ces projets intégrateurs de connectivité de transport devraient assurément booster notre intégration pour conquérir les opportunités de la ZLECAF et créer un hub de transport sous-régional qui va contribuer au commerce intra-Africain. L’erreur du Cameroun c’est d’avoir construit le port de Kribi sans anticiper sur la connectivité de transport avec toutes les autres modalités de transport. C’était le préalable.
Comment expliquer que vous soyez à Ebolowa qui est au Sud, et le port de Kribi qui est au Sud également. Mais, un importateur qui est à Ebolowa au Sud voit ses marchandises passer par trois autres régions (Sud-Littoral-Yaoundé-Sud) avant de les retrouver au Sud à Ebolowa. C’est le même effet en termes de coût que le Tchad redoute. C’est ce que j’appelle la boucle du sous-hub de transport routier et maritime dans mes travaux. La compétitivité des corridors est une réalité. Si un pays de transit n’améliore pas les conditions de transit, il est clair qu’il est perdant en termes de retombées. Le Cameroun doit donc activer la dynamique. D’où l’urgence de la construction de la route: Ebolowa -Akom2-Kribi de 179km pour faciliter le désenclavement de ce port avec le Sud et il sera plus aisé, avec les délais et moins coûteux pour un importateur de Yaoundé ou de Ndjamena de faire venir sa cargaison par le tronçon: Kribi-Akom2-Ebolowa-Yaoundé.
La lenteur du bitumage de cet axe en fait un problème, même s’il reste 41 km à bitumer de Grand Zambi après lolodorf pour atteindre Kribi. Certes, Lolodorf-Mvengue-Mgomdjap-Ngoumou est fonctionnel. Cet axe permettra de désenclaver efficacement les opérations de transit et transport. Il urge de corriger les mauvaises planifications. C’est ce que j’appelle la théorie des Rhinocéros blancs dans mes travaux. Les axes d’une telle importance devraient être opérationnels le même jour où le port de Kribi avait commencé à fonctionner. On devrait construire cet axe avant le début des activités portuaires de Kribi. Mais, on a fait le contraire…
Lancer le port sans cet axe. Depuis lors, on a perdu beaucoup de retombées…Et le cas du Tchad pour l’accord récent de Malabo doit nous servir d’outils d’aide à la décision en théorie des jeux dans l’équilibre de NASH.
Par Dr ONGUENE ATEBA
-Economiste et logisticien des transports
+237 676531537
alandesstyles2016@gmail.com

Grâce à des professionnels issus du monde des médias, des affaires et de la politique, mus par la volonté de fournir une information vraie, crédible et exploitable pour la valorisation de la destination Cameroun, Vitrine du Cameroun est devenu une plateforme de référence au Cameroun. Contacts : vitrineducameroun@gmail.com, ou via WhatsApp +86 16695017248
Formidable analyse