
[Vitrine du Cameroun] – Douala, la capitale économique du Cameroun a abrité du 21 au 23 janvier 2025 un symposium pour l’harmonisation réussie des cadres d’élaboration et d’opérationnalisation des zones économiques spéciales de nouvelle génération (ZESNG) sur le continent africain.
La réflexion initiée conjointement par le Bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et ses partenaires stratégiques (Commission de l’Union africaine, ONUDI, CNUCED, PNUD et la BAD) vise à définir les bases pour faciliter et accélérer l’opérationnalisation des zones économiques spéciales de nouvelle génération en Afrique centrale, afin d’en faire un instrument d’industrialisation inclusive et durable et de diversification économique dans les Etats membres.
L’enjeu est d’attirer l’attention des parties prenantes (gouvernements, secteur privé, institutions financières et partenaires de développement) sur les avantages économiques, fiscaux et commerciaux des ZES et sur leur contribution à la réalisation des Objectifs de développement durable (ODD), à l’Agenda 2063 de l’Union africaine, à l’opérationnalisation des stratégies industrielles et au développement des chaînes de valeur à fort potentiel.
« Ce symposium vise essentiellement une chose : la recherche des solutions aux plans conceptuel et opérationnel afin que les zones économiques spéciales de nouvelle génération qui est le nouveau concept partagé par tous les gouvernements, contribuent effectivement à la diversification de l’économie des différents pays, de l’économie inclusive et durable », a indiqué le conseiller technique au ministère des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique (Minmidt), Amidou Moundi. Selon ce dernier, c’est un espace d’apprentissage et d’échanges sur les approches efficaces pour mieux intégrer les ZES dans les stratégies industrielles nationales. Comme tel, il offre l’opportunité de renforcer les capacités et l’expertise locale des décideurs, acteurs économiques et investisseurs et les compétences nécessaires pour concevoir et mettre en œuvre les ZES performantes.
Au Cameroun, les ZES sont au cœur de la Stratégie nationale de développement 2020-20230 (SND-30). « De manière opérationnelle, elles ont été identifiées comme des structures qui pourraient jouer un rôle essentiel dans l’implémentation de cette politique industrielle. Les ZES permettent de valoriser les matières premières locales à travers la création d’espaces économiques dédiés, dotés d’infrastructures modernes et d’un cadre règlementaire favorable à l’investissement », soutient M. Amidou Moundi. « Elles facilitent également l’intégration des chaînes de valeurs industrielles en regroupant les entreprises complémentaires dans les secteurs ciblés, favorisant ainsi le transfert technologique et l’innovation. En outre, les zones économiques spéciales contribuent significativement à la diversification économique des pays où elles sont implantées en attirant les investisseurs dans les secteurs identifiés et en renforçant la résilience économique », poursuit le représentant du Minmidt.
Vision commune autour de la plus-value des zones économiques spéciales de nouvelle génération
Dans un monde post-Covid-19 et en constante mutation, les ZES se positionnent comme un instrument capital dans la transformation structurelle des économies africaines. « Les zones économiques spéciales sont des périmètres bien déterminés et délimités où nos Etats et les acteurs mettent en place l’écosystème nécessaire pour permettre l’éclosion de l’industrie et l’installation facile des industries. La valeur ajoutée c’est de permettre d’améliorer le climat des affaires dans une petite entité par rapport à l’entité nationale et choisir les acteurs qui vont s’y installer et dont le rôle primordial sera de donner de la valeur ajoutée aux matières premières et aux ressources locales », fait observer le directeur du bureau sous-régional pour l’Afrique centrale de la CEA, Dr. Jean Luc Namegabe Mastaki. « Elles permettront d’approvisionner le marché intra-africain dans la mesure où sait que le commerce intra-africain bien que faible encore, porte souvent sur les produits à valeur ajoutée. Lorsqu’on les transforme et lorsque les saisons servent de cadre de transformation, ils vont faciliter l’approvisionnement de ces zones et de la sous-région », ajoute-t-il.
Mieux, pour le responsable de la CEA, les ZES sont des fleurons pour une industrialisation portée vers l’import-substitution. « Ce sont des entités qui sont au cœur du processus d’industrialisation et nous le voulons inclusif et durable, c’est-à-dire créer des emplois au niveau local pour les jeunes et d’autres groupes marginalisés. On doit aussi tenir compte des équilibres écologiques et protéger l’environnement dans nos entités », déclare M. Mastaki. Sur le terrain, il y a déjà un certain nombre de zones économiques spéciales qui se dessinent.
La CEA et ses partenaires accompagnent le gouvernement camerounais sur l’implantation de la zone économique spéciale de Bertoua. Le dossier est en train d’avancer, apprend-t-on. Au-delà du Cameroun, la CEA est en activité au Congo-Brazzaville pour une zone sur les fertilisants, ainsi qu’en RDC pour une zone sur les précurseurs de batteries à partir du cobalt et du cuivre. « Nous sommes en train d’en explorer d’autres sur la base des chaînes de valeurs soulignés dans les plans directeurs d’industrialisation et de diversification économique », rassure Dr. Mastaki.
A l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi), l’on est d’avis que les ZES sont un marqueur de l’inclusion et de l’équité sociale. « Il est normal de faire ce que certains ont appelé discrimination positive à l’égard de nos jeunes et des femmes pour qu’il y ait plus de femmes dans ces zones économiques spécialisées, dans ces parcs industriels et dans ces agropoles pour aider un peu les clusters qui sont constitués essentiellement de femmes ou de jeunes », précise le représentant-résident de l’Onudi, Dr. Raymond Tavares. « Quelques fois on implante les ZES dans des cadres où il y avait quand même des traditions, des villages et des communautés qui ne sont pas toujours impliquées ou considérées dans cette nouvelle dynamique économique. Nous pouvons aller plus loin et faire en sorte que ces zones visent le développement endogène et local, avant de voir son impact au niveau de l’économie camerounaise ou de l’Afrique centrale », soutient notre source.
Pourquoi le narratif des zones économiques spéciales de nouvelle génération a le vent en poupe ?
A la faveur du Programme 2030 des Nations Unies et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine qui imposent aux Etats membres d’adopter des modèles de développement vertueux alliant croissance économique et protection de l’environnement, la mise en place des ZES devient incontournable. Au moment même où plusieurs pays continuent d’adopter et créer des zones économiques spéciales, des parcs industriels, des parcs technologiques, des agropoles, des zones de traitement des exportations, environ 5400 ZES étaient fonctionnelles dans 147 économies en 2019, explique la CEA.
L’Asie seule regroupant 4046 de ces espaces économiques, suivie de l’Amérique latine. En Afrique, le Sénégal et l’Egypte ont été les premiers à adopter les ZES dans les années 1970, suivis de la République démocratique du Congo, du Ghana et de l’Afrique du Sud au cours de la décennie 90.
Les études sont d’avis que les ZES augmentent l’investissement, la production, le salaire, l’emploi et la productivité du travail des entreprises formelles. C’est une approche intégrée qui doit être en harmonie avec les politiques commerciales. « Nous ne pouvons pas aller sur les marchés si nous n’avons pas les produits manufacturés, les règles d’origine, des standards. Nous devons raisonner en termes de chaînes de valeur régionales à fort potentiel d’intégration (pour bénéficier du marché de quatre millions de consommateurs que nous voulons construire), d’exportation (vers les marchés extra-communautaire et intra-coomunautaire) et d’innovation opérationnalisées à travers les ZES de nouvelle génération ou sur mesure », indique le chef de section des initiatives sous-régionales au bureau Afrique centrale de la CEA, Dr. Adama Ekberg Coulibaly.
Les zones économiques spéciales de nouvelle génération deviennent incontournables et constituent la nouvelle tendance, à un moment où l’Afrique centrale veut se positionner comme une base manufacturière de classe mondiale, une plaque tournante de solutions écologiques (avec le Bassin du Congo), énergétiques (65% de l’énergie du continent), logistiques, numériques et un hub de recherche et innovation. « La dimension nouvelle génération consiste à disposer de zones économiques spéciales interconnectées. Lorsqu’on regarde les bonnes pratiques en Asie, un seul pays comme la Thaïlande ou la Malaisie attire plus d’investisseurs étrangers que tous les pays d’Afrique du Nord réunis. Les pays asiatiques comme le Vietnam, Taiwan et autres disposent de produits provenant dans les zones économiques spéciales. Nos ZES doivent être utilisées comme ça se fait en Asie pour exporter et atteindre nos objectifs d’export-production », souhaite le Dr. Adama Ekberg Coulibaly.
Et si on expérimentait l’agriculture pour tracer la voie…
Selon l’économiste senior à la CEA, l’Afrique compte à peine 200 ZES, ce qui traduit un écart énorme de performances avec l’Asie. Or, le nouveau paradigme de ZES nouvelle génération permet d’attirer les investissements directs étrangers, surtout dans des zones économiques spéciales dédiées. Au lendemain du Sommet extraordinaire sur le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) post-Malabo qui s’est tenu du 9 au 11 janvier 2025 à Kampala (Ouganda), le symposium de Douala sur les ZES est un début de réponse pour accélérer la transformation des systèmes agro-alimentaires du continent.
La réflexion propose une démarche holistique pour prendre cette problématique à-bras-le-corps. « Par exemple, quand on parle du secteur agricole, les gens qui sont dans les terroirs ne sont pas à côté des aéroports, ni des ports encore moins des routes. Il faut donc les traiter de façon spéciale. Ceux qui sont maintenant en ville dans la précarité, il faut concevoir un programme spécial pour eux. La notion de sur mesure intègre la dimension géographique pour les gens fragiles qui sont en difficulté et n’ont pas pu s’insérer dans le schéma », explique Dr. Adama Ekberg Coulibaly. Il faut indiquer que l’Afrique dépense presque 100 milliards de dollars par an pour l’importation des produits alimentaires. La facture de ces importations contraste avec une faible production agricole qui doit faire face à une demande croissante (avec une population actuelle de 1,4 milliard d’habitants).
De manière concrète, les ZES doivent être érigées pour embrasser les réalités de nos campagnes et des collectivités rurales. Bref, elles sont censées prendre en compte les réalités du monde rural. Vu sous cet angle, la CEA et ses partenaires apportent des solutions sur mesure pour que les productions agrosylvopastorales issues des bassins de production soient de qualité et à haute valeur ajoutée et transformées sur place pour mise sur le marché. La démarche multi-dimension et multi-impact permettra aux produits issus des terroirs de capter des niches de marchés. Les ZES seront davantage à la portée des agriculteurs, des industriels et des entrepreneurs.

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