
[Vitrine du Cameroun] – La démarche coordonnée par l’ATIBT et plusieurs partenaires stratégiques ambitionne d’assurer la continuité des exportations vers les marchés internationaux.
L’exploitation forestière industrielle en Afrique centrale est réputée comme étant « très sélective », avec environ 90% de la production qui repose sur seulement une dizaine d’espèces, d’après l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT). Or, malgré les mesures prises par les pays de la sous-région pour que les essences tropicales exploitées ne soient pas vulnérables, ces derniers sont tancés parfois de recourir à des prélèvements qui menacent la survie des espèces concernées.
Par conséquent, en lien avec l’entrée en vigueur de l’inscription à l’Annexe II de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) des essences comme l’acajou (Khaya sp.), le doussié (Afzelia sp.) et le padouk (Pterocarpus sp.), les Etats d’Afrique centrale disent souffler le chaud et le froid, suite au refus de l’Union européenne d’importer des spécimens de bois classé à l’Annexe II si l’indice de reconstitution est inférieur à 50%. L’ATIBT va plus loin en indiquant, dans une publication intitulée « Modalités de gestion des espèces dans les forêts de production d’Afrique centrale » et datée de novembre 2023, que les producteurs/importateurs de bois d’Afrique centrale n’ont pas été informés.
Cette absence d’informations cause en ce moment des désagréments dans plusieurs pays. Le directeur général adjoint des Industries, du Commerce du bois et de la valorisation des produits forestiers ligneux du Gabon, Natacha Ona Abiaga, n’y va pas de main morte lorsqu’elle déclare qu’en septembre 2024, le Gabon a élaboré un ACNP qui a été publié pour le padouk. Malgré cette validation, le pays est face à une situation de blocage concernant les permis d’importation. « L’Union européenne a, sur la base de l’article 14, a mis en place un ensemble de mesures restrictives et exige que pour tout bois qui rentre dans son espace, qu’elle émette un ACNP avant de délivrer un permis d’importation. Entretemps, l’Union européenne a mis en place de nouvelles mesures et exige d’émettre d’abord d’émettre un avis avant de nous donner des permis d’importation. Ça fait longtemps qu’on attend cet avis », explique celle qui est par ailleurs organe de gestion CITES désignée pour le Gabon.
La note salée des avis de commerce non préjudiciables exigés par l’Union européenne
Depuis septembre 2024, plus de 3000 mètres cubes de bois du Gabon sont bloqués dans les zones d’exportation et en attente de permis d’importation de l’Union européenne, ajoute notre source, le ton grave. Le directeur de la Faune en RCA, responsable organe de gestion CITES flore de la RCA, David Ouangando, abonde dans le même sens en expliquant qu’une cargaison de bois en direction du Portugal a été recalée, faute d’ACNP.
Le pays, a-t-il indiqué, est sur le point de saisir le secrétariat de la CITES pour arbitrage. Le directeur des Forêts du Cameroun, Anicet Ngomin, organe de gestion CITES, enfonce le clou en indiquant que plusieurs permis CITES font régulièrement l’objet de rejets au sein de l’Union européenne, alors que les ACNP sont élaborés et régulièrement pris en compte par le Secrétariat de la CITES.
Des désagréments comme ceux-là sont légion depuis un certain temps, parce que les exigences imposées par l’Union européenne (notamment la production des ACNP spécifiques pour toutes les espèces des genres Afzelia, Khaya et Pterocarpus destinées au commerce international, ndlr) sont « souvent complexes à satisfaire dans des délais raisonnables ». De même, ces exigences constituent un frein au commerce du bois en Afrique centrale, particulièrement vers les marchés européens. Elles engendrent en outre des pertes financières importantes pour les différentes parties prenantes, confient des sources proches du dossier. Comme si cela ne suffisait pas, le niveau de maîtrise des outils nécessaires varie considérablement d’un pays à l’autre. Certains Etats, en particulier ceux qui n’avaient jamais eu à gérer l’afrormosia (Pericopsis elata), manquent d’expérience et de capacités techniques pour établir des ACNP conformes aux exigences de la CITES.
« Les pays du Bassin du Congo notamment les exploitants forestiers sont confrontés à d’énormes difficultés pour commercialiser leurs produits, pour se mettre en conformité avec les exigences européennes », fait savoir Eric Dassie Wendji, expert régional en charge du suivi-évaluation et de la communication pour le Programme régional d’appui à la certification forestière du Bassin du Congo. L’une des difficultés qui serait récurrente est liée à la souveraineté des Etats. « Il y a des pays qui ont décidé d’avoir des quotas de prélèvement un peu différents des autres et des taux de reconstitution un peu différents. Ce qui pose un problème d’harmonisation des interventions au niveau du Bassin du Congo », analyse M. Dassie.
Synergie d’actions pour poursuivre les exportations vers les marchés internationaux
Toutes choses qui ont motivé l’organisation d’un atelier régional de partage des outils de renforcement des capacités pour la mise en œuvre des Avis de commerce non préjudiciables (ACNP) en Afrique centrale, du 17 au 20 mars 2025 à Douala (Cameroun). L’atelier coordonné par l’ATIBT vise à : assurer la continuité des exportations vers les marchés internationaux, harmoniser les approches et les méthodologies d’évaluation entre pays producteurs et garantir la crédibilité et l’efficacité des dispositifs de gestion durable des ressources forestières.
Il faut préciser que l’atelier est le fruit d’un contrat de prestation établi entre FRM Ingénierie (FRMi) et la Commission des Forêts d’Afrique centrale (COMIFAC), avec le soutien du Programme de promotion de l’exploitation certifiée des forêts (PPECF), programme de la COMIFAC entièrement dédié aux appuis au secteur privé, notamment les concessionnaires privés, les Etats, les organisations de certification, les organisations de la société civile, etc. Bref tous les acteurs qui sont de près ou de loin impliqués dans la gestion forestière. Ledit programme est financé par la coopération allemande, afin d’apporter un appui technique et organisationnel aux acteurs impliqués dans l’élaboration des ACNP et en développant des outils adaptés aux réalités nationales. Il s’inscrit dans le sillage d’une série d’activités qui ont commencé depuis plus de 12 mois.
Le cadre d’échanges s’inscrit également dans une dynamique de collaboration entre plusieurs partenaires stratégiques : la COMIFAC, qui assure la coordination régionale et l’intégration des résultats dans les cadres sous-régionaux, le PPECF, qui finance et soutient des actions de formation et d’accompagnement des parties prenantes dans une logique de gestion durable des ressources forestières, le FRMi, en charge de l’appui technique et méthodologique, l’ATIBT, qui veille à l’alignement des ACNP avec les réalités de la filière bois et du commerce international et Gembloux Agro-BioTech, qui apporte une expertise scientifique sur les méthodologies d’évaluation et de suivi des quotas. L’atelier de Douala bénéficie aussi de cofinancements de l’Union européenne dans le cadre du projet ASP-Pacte Vert Cameroun et de l’association patronale UNICONGO.
Priorité à la gestion durable des ressources forestières
« Il s’avère pertinent de mettre en place de façon concertée, des mécanismes assez robustes et durables au niveau régional en cohérence avec les directives de la CITES, pour démontrer la durabilité des prélèvements et du commerce et anticiper sur certaines mesures de régulation développées assez spécifiquement par certaines parties à la Convention, comme le fait l’Union européenne », a souhaité Anicet Ngomin, organe de gestion CITES du Cameroun. Notre source est revenue sur les concertations antérieures menées avec le Scientific Review Group (SRG) de l’Union européenne, en marge des dernières rencontres de la CITES à Genève en Suisse en 2023 et 2024 (Comité des plantes et Comité permanent), pour aplanir certaines incompréhensions dans le cadre des questions techniques d’aménagement des forêts et des critères de durabilité des ACNP. « Ces revendications ont fait état de quelques abus notamment un défaut de concertation, d’inclusion et de communication dans la mise en place de nouvelles mesures internes plus strictes par certains Etats, dans le cadre de l’application de la CITES, en rapport avec les dispositions de l’article 14 de la Convention », a martelé M. Ngomin.
La dynamique de groupe engagée dans la sous-région Afrique centrale est d’autant plus nécessaire dans l’application de la CITES et particulièrement dans le renforcement du positionnement de la sous-région dans le dispositif et les mécanismes décisionnels de la CITES. Mieux, le cadre d’échanges engagé à Douala s’inscrit dans la dynamique de gestion durable des ressources forestières et du commerce international du bois issu des forêts d’Afrique centrale. « Notre gestion forestière en Afrique centrale est exemplaire et nous avons de quoi en être fiers. L’Afrique centrale gère mieux ses forêts que bien d’autres régions tropicales grâce notamment à la règlementation et des plans d’aménagement en place qui garantissent une exploitation durable et grâce à un système de certification qui vient renforcer la crédibilité », a expliqué le président de la Commission Forêt-Industrie à l’ATIBT, Nicolas Bayol, par ailleurs directeur d’études à FRMi.
A en croire le chef du programme CITES à l’Association technique internationale des bois tropicaux (ATIBT), Dr. Franck Monthe, l’atelier intervient dans le cadre d’un projet de production des outils de renforcement pour la mise en œuvre des ACNP en Afrique centrale. Le constat, renseigne-t-il, est parti de la dernière COP CITES où on a vu l’inscription des espèces africaines des genres Afzelia, Khaya et Pterocarpus à l’Annexe II de la Convention. « Comme ces espèces sont distribuées dans plusieurs pays de la sous-région, certains d’entre eux voyaient pour la première fois des espèces inscrites à l’Annexe II de la Convention. Tous n’avaient pas la même expérience que le Cameroun ou la RDC en termes de rédaction des ACNP. Très vite, comme certains de ces pays sont également membres de l’ATIBT, plusieurs demandes se sont faits ressentir pour nécessiter un appui de l’ATIBT dans le cadre de l’élaboration des ACNP. Etant donné qu’il était plus compliqué de faire des appuis individuels pays par pays, nous sommes donc partis sur la compréhension des mécanismes, mais également la production d’un ensemble de documents visant à encadrer la production ou à faciliter l’élaboration des ACNP », indique M. Monthe.
La finalité de cet atelier, a précisé le spécialiste en génétique et écologie forestière tropicale, était d’une part de partager les outils que nous avons produit dans le cadre du projet, mais également de donner l’opportunité au Cameroun et à la RDC de partager leur expérience en matière de mise en œuvre des ACNP. Et de proposer un canevas commun à l’élaboration des ACNP et de discuter des différentes méthodologies utilisées, des différences entre certains paramètres clés d’aménagement mis en œuvre notamment au niveau des différents pays.
Du côté du Programme de promotion de l’exploitation certifiée des forêts (PPECF), il est question d’identifier les voies et moyens pour améliorer la commercialisation des produits forestiers ligneux sur le marché européen. « Le monde aujourd’hui c’est le lobbying. Plus vous êtes nombreux, plus vous êtes influents et plus vous avez des possibilités d’imposer également votre loi sur les marchés. Les Etats du Bassin du Congo gagneraient à être plus concertés et plus solidaires lorsqu’ils proposent des produits sur le marché européen et même dans les démarches qu’ils déploient pour pouvoir lever les problématiques qu’ils rencontrent », propose Eric Dassie Wendji.
Nécessité d’opposer la transparence à la rigueur imposée par l’UE
La capacité des pays à gérer leurs ressources mises en avant contraste cependant avec les positions des parties importatrices qui imposent des critères de plus en plus rigoureux. D’où la nécessité de proposer des stratégies pour renforcer la transparence dans la démarche, de communiquer des données fiables (ce qui est attendu des entreprises forestières) voire être capables de produire nos propres modèles de gestion. « Cette synergie permet d’avancer vers une gestion plus transparente, plus harmonisée et plus efficace des ACNP en Afrique centrale », soutient M. Bayol.
Sous un tout autre registre, le secrétaire exécutif de la COMIFAC, Hervé Martial Maïdou, déplore le fait que le classement de certaines espèces inscrites à l’Annexe II de la CITES « entraîne des conséquences économiques considérables pouvant affecter le secteur industriel, forestier de même que les ressources issues du secteur forestier de nos Etats ». L’enjeu in fine étant « de renforcer les capacités techniques des autorités CITES de la sous-région, es doter d’outils nécessaires pour d’une part assurer la continuité des exportations vers les marchés internationaux, harmoniser les approches de méthodologie d’évaluation en tant que pays producteurs, garantir l’attractivité et l’efficacité des dispositifs de gestion des ressources forestières », confie le secrétaire exécutif de la COMIFAC.
L’atelier intervient dans le cadre d’un projet de production des outils de renforcement pour la mise en œuvre des ACNP en Afrique centrale. Le constat est parti de la dernière COP CITES où on a vu l’inscription des espèces africaines des genres Afzelia, Khaya et Pterocarpus à l’Annexe II de la Convention. Comme ces espèces sont distribuées dans plusieurs pays de la sous-région, certains d’entre eux voyaient pour la première fois des espèces inscrites à l’Annexe II de la Convention. Tous n’avaient pas la même expérience que le Cameroun ou la RDC en termes de rédaction des ACNP.
Très vite, comme certains de ces pays sont également membres de l’ATIBT, plusieurs demandes se sont faits ressentir pour nécessiter un appui de l’ATIBT dans le cadre de l’élaboration des ACNP. Etant donné qu’il était plus compliqué de faire des appuis individuels pays par pays, nous sommes donc partis sur la compréhension des mécanismes, mais également la production d’un ensemble de documents visant à encadrer la production ou à faciliter l’élaboration des ACNP. La finalité de cet atelier est d’une part de partager les outils que nous avons produit dans le cadre du projet, mais également de donner l’opportunité au Cameroun et à la RDC de partager leur expérience en matière de mise en œuvre des ACNP. Et de proposer un canevas commun à l’élaboration des ACNP et de discuter des différentes méthodologies utilisées, des différences entre certains paramètres clés d’aménagement mis en œuvre notamment au niveau des différents pays.
En ce qui concerne l’atelier, le rôle de l’ATIBT est de promouvoir un commerce durable des espèces de bois d’œuvre. Et donc l’ACNP qui est un outil fondamental et clé dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention CITES, particulièrement pour les espèces de bois d’œuvre inscrites à l’Annexe II de la Convention, joue un rôle central. Et les pays n’ayant pas les mêmes niveaux et disponibilités de mise en œuvre, le rôle de l’ATIBT est donc de pouvoir centraliser les informations, mais surtout à travers cet atelier, d’inviter l’ensemble des parties prenantes impliquées.
On a dans le cadre de cet atelier la présence des autorités scientifiques, des organes gestion de chaque pays, mais également le secteur privé. Comme vous le savez, le secteur privé est directement impliqué dans la mise en œuvre des ACNP, parce que les quotas qui sont définis sont généralement définis pour les entreprises du secteur privé. Il était important qu’elles soient également présentes. Mais surtout le secteur privé certifié ou le secteur privé aménagé et investi formellement dans la gestion durable était représenté, car ce sont eux qui subissent ce plein fouet les difficultés liées à la mise en œuvre des ACNP.
Ces difficultés se rencontrent principalement sur l’accès au marché européen de bois. En fait, lorsqu’une espèce est inscrite à, l’Annexe II de la Convention, les pays producteurs doivent produire ce fameux ACNP. Dans cet ACNP, il y a un aspect fondamental qui est la définition du quota, le quota dit durable c’est-à-dire la quantité de bois qui peut ètre produit de manière à garantir que cela ne menace pas la survie de l’espèce dans son habitat naturel. Quand elle est inscrite à l’Annexe II, le pays doit produire un ACNP et associer à cela un quota. Et une fois que cela est fait, il peut produire maintenant le permis d’exportation. Seulement, pour le marché européen de manière global, le Scientific Review Group CITES de l’Union européenne a mis en place que, pour toute espèce inscrite à l’Annexe II de la Convention, elle est transférée à l’Annexe B du Règlement de l’Union européenne. Dès qu’elle est transférée à cette Annexe B, l’Union européenne impose à ce moment un permis d’importation. Le permis d’importation dans le cadre de la Convention CITES n’est valable que pour les espèces de l’Annexe I.
Pour l’Union européenne, il faut produire un permis d’importation pour les espèces de l’Annexe II. Et c’est là où les choses se corsent, parce que depuis un moment, l’Union européenne a mis en place un certain nombre de modalités encadrant la délivrance de ces permis d’importation. Seulement, ces modalités n’ont été connues qu’à la fin-décembre 2024 lorsque l’UE a fait cette publication sur une notification via le Secrétariat de la CITES pour informer. Les exigences liées à ce permis d’importation sont nombreuses.
Il y a notamment : l’obligation d’obtenir un taux de reconstitution d’au moins 50%, les éléments de densité, de structure des populations. Malheureusement, pour ce qui est particulièrement du taux de reconstitution, on n’a pas d’informations sur les paramètres de calcul que l’UE utilise. On ne sait pas dans les détails de cette formule quels sont les éléments que l’UE fixe. Est-ce qu’ils sont différents de ce que les pays ont ou mettent en place ? Est-ce qu’ils sont identiques ? Cela fait qu’on est aujourd’hui dans une situation extrêmement catastrophique pour les pays comme le Gabon où depuis septembre 2024, on n’a pas un seul mètre cube de pois de padouk qui a été commercialisé sur le marché européen.

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